La cinéaste Claire Burger filme un père, ses deux filles adolescentes et le territoire vacant que laisse leur mère après son départ dans C’est ça l’amour, ode à la paternité, bouleversante de sensibilité.
Dans ses précédents films, Forbach, C’est gratuit pour les filles et Party Girl (coréalisé avec Marie Amachoukeli et Samuel Theis ; Caméra d’or à Cannes en 2014), Claire Burger témoignait d’un sens aiguisé de l’observation et de l’écoute. Essentiellement fondés sur l’improvisation et interprétés par des comédiens non professionnels, ils déployaient leur naturalisme, ancrés sur la terre lorraine native de la cinéaste, à Forbach. C’est sur ce même territoire que Claire Burger continue de creuser son sillon, en modifiant sa méthode de travail : C’est ça l’amour ne laisse plus la place à l’improvisation et envisage en son centre un comédien professionnel, Bouli Lanners, dont le jeu, entre rigueur et abandon, la solide présence et l’humanité intrinsèque lui confèrent une puissante portée émotionnelle.
Physique épais, regard doux, voix apaisante, l’acteur belge incarne un homme dont l’amour paternel représente un idéal. Très inspirée par son propre père et par la séparation de ses parents, Claire Burger convoque ses souvenirs pour mieux les transformer. Tout, dans les situations, les dialogues, le choix des musiques, témoigne d’une absolue sincérité, et d’une foi revendiquée dans les pouvoirs de la fiction à magnifier le réel. Claire Burger filme cette famille disloquée au plus près de son intimité et dessine subtilement l’évolution sentimentale de ses personnages, leur quête d’amour, leur réappropriation de l’espace déserté par la mère, avec une finesse et une sensibilité exacerbées.
Cette chronique familiale sur fond de crise sociale sait tisser des fils invisibles entre le dedans et le dehors, entre le drame intime et le drame du monde, et trouve le parfait équilibre entre drôlerie et gravité (à cet égard, les séquences tournées sur la scène du Centre culturel de Forbach sont remarquables). Impeccablement interprété par tout le casting (les jeunes Justine Lacroix et Sarah Henochsberg sont justes et parfaitement dirigées), C’est ça l’amour donne à entendre sa vibrante polyphonie. Il dirige doucement ses personnages vers la libération, et embarque ses spectateurs dans son élan.