Border

Frontière interdite

Jouant sur les genres cinématographiques et leur perception par les spectateurs, Ali Abbasi signe un second film dérangeant et surprenant, porté par un remarquable duo de comédiens.

Affligée de traits grossiers, Tina, douanière, est également dotée d’un odorat incroyable, qui lui permet de flairer les criminels : c’est ainsi qu’elle débusque un homme, dont l’apparence de cadre respectable masque un possesseur d’images pédophiles. L’introduction de Border, très dérangeante, ne donne qu’une modeste idée des surprises qui attendent les spectateurs du second film d’Ali Abbasi.

Repéré deux ans plus tôt avec son premier film Shelley, modeste mais intrigante variation autour de Rosemary’s Baby, Ali Abbasi creuse un sillon, celui de la marge et du malaise, en jouant avec certains codes du cinéma d’horreur pure pour les intégrer à un cinéma d’observation psychologique. En jouant malicieusement sur les genres (à tous les sens du terme, ceux de ses personnages et ceux qui permettent de classer les films en différentes catégories), le réalisateur construit un film dont les situations et les personnages surprennent et dérangent constamment. Fable moderne, récit policier, histoire d’amour, film d’horreur : on est bien en peine, en sortant de Border de mettre une étiquette sur cette œuvre hors norme. Les interprétations nuancées d’Eva Melander et Eero Milonoff, un rien étouffées par de savantes prothèses en latex, ajoutent au sentiment d’inquiétante étrangeté qui nous saisit à la vision d’un film troublant.