American Honey

Première désillusion

La britannique Andrea Arnold s’intéresse aux personnages de femmes, rebelles, frondeuses, souvent marginales. Sa filmographie en témoigne (Red Road, Fish Tank, Les Hauts De Hurlevent) avec une acuité de regard très rare et sans atermoiement. Elle enfonce le clou dans ce dernier film American Honey, où elle suit l’itinéraire de Star (Sasha Lane), jolie ado en fuite d’une famille dégénérée (père tendancieux et mère alcoolique). Star a saisi l’occasion de sa rencontre avec un garçon magnétique, Jack (Shia LaBeouf), pour rejoindre une bande de jeunes aussi paumés qu’elle et qui sillonne les routes en vendant de faux abonnements magazines à des quidams. Dans une étourdissante proximité et avec beaucoup de sensualité, la caméra d’Andrea Arnold se fond dans le quotidien de ces ados américains impétueux, livrés à eux-mêmes, déboussolés et qui survivent en abusant de la naïveté d’autrui. Tenu par la seule joie illusoire d’ « être ensemble » et de recréer les contours d’une famille qu’il n’ont pas, ils sont eux-mêmes les dindons d’une farce qui les dépasse et dont Krystal (magnifique Riley Keough) tire les ficelles. Ainsi, American Honey joue-t-il d’un contraste particulièrement efficace entre une ode passionnée à la jeunesse et sa progressive paralysie, le poison d’une société malade au cynisme froid et mortifère se diffusant lentement dans ses veines.