Ali, la chèvre & Ibrahim

Fable affable

Road movie comico mystique, ce premier long métrage franco-égyptien désarçonne un temps et séduit longtemps.

Ali ne quitte pas d’une semelle sa chèvre Nada, on jurerait qu’il en est amoureux. Ibrahim, ingénieur du son, souffre d’acouphènes qui le font défaillir. Le premier vit avec sa mère qui perd patience, le second avec son père, sourd, qui ferait n’importe quoi pour l’aider. Tous deux se rencontrent chez un guérisseur et font ensemble le voyage prescrit vers le Mont Sinaï, où ils doivent jeter les cailloux sensés les délester de leurs maux respectifs. Ce premier long métrage joue sur les croyances et un certain mysticisme (réincarnation, métempsychose et télépathie, rien que ça !), tout en s’enracinant dans le monde arabe d’aujourd’hui et une certaine noirceur (drogue, violence, prostituées mollestées…), il oscille entre fable orientale et road movie à l’Américaine, en tablant sur un antagonisme de départ entre les personnages dont on sent bien qu’il marque le début d’une belle amitié. Tous ces mélanges de tons et de genres sont a priori troublant. Pourtant, au détour d’une route poussiéreuse, le charme opère, et ne vous lâche plus. Les secrets familiaux, les malédictions réelles ou supposées, et une audace dans la façon de pousser toutes les situations à bout transforment Ali, la chèvre et Ibrahim en une tragicomédie atypique pleine de ruptures de tons et de surprises. Son humanité fait le reste.