Under the Skin
Révélé par son polar dopé à l’humour noir, Sexy Beast, puis son fantastique et polanskien en diable Birth, le Britannique Jonathan Glazer confirme tout le bien que l’on pensait de lui en radicalisant encore son approche.
Sur la forme, d’abord, puisque son Under the Skin réinvente le cadre que l’on pensait si rigide du film d’extra-terrestres, avec une rigueur peu commune, convoquant autant les textures sonores déroutantes du cinéma expérimental que l’ultra-réalisme à la Loach (étant même allé jusqu’à « voler » des images aux badauds des rues de Glasgow) ou un sens du suspense affiné qu’Hitchcock lui-même n’aurait pas renié. Petit prodige de l’image, Glazer ? Assurément. Mais aussi, maître des atmosphères, poisseuses et vénéneuses, troubles et macabres, d’une poésie inusitée comme ici, celle-là même où il peut observer cette entité venue d’ailleurs emprunter la peau d’une humaine (celle de Scarlett Johansson, plus mystérieuse que jamais) pour mieux attirer les hommes qu’elle croise vers le néant.
Mais celle-là même aussi où Glazer peut encore théoriser, parfois jusqu’à une abstraction trop froide pour son propre bien, sur l’impossible devenir de l’humanité. L’homme est un loup pour l’homme, manger ou être mangé… d’autres avaient déjà tourné autour du pot. Glazer, lui, fait front, avec une mélancolie terrorisante, constatant – comme si lui-même venait d’ailleurs et nous observait, de loin, fasciné – l’inéluctable condition de l’homme moderne : celle d’un prédateur que rien, ni personne, n’empêchera de détruire ce qui l’entoure. Glaçant.