Sangue del mio sangue
Pas nouveau, mais rare de voir un cinéaste reconnu et en activité depuis des décennies, avec une force de mise en scène intacte. À plus de 75 ans, Bellocchio n’en finit pas de ravir par ses témoignages et questionnements sur le monde, via l’histoire de son pays (Buongiorno, notte, Vincere) et des quêtes humaines (Le Sourire de ma mère, La Belle Endormie). Pour ce dernier opus en date, livré cinquante ans après le premier, il revient justement dans le même décor, Bobbio, petite ville d’Émilie-Romagne de la vallée du Val Trebbia, où il est né, où il filma Les Poings dans les poches (1965), et où il anime chaque été des ateliers cinéma. C’est le récit d’un jeune homme d’armes qui veut venger son frère prêtre, mort d’avoir succombé aux charmes d’une nonne. Il craque, lui aussi, illico pour la donzelle, enfermée et bientôt emmurée vivante dans le couvent. Des années plus tard, le lieu est devenu un étrange asile.
La force tellurique et la pensée magique nourrissent cette fresque sèche et virtuose, sensuelle et inquiétante, qui aspire dès la première scène où Federico pénètre en silence dans la bâtisse jusqu’à la belle « sorcière ». L’imaginaire du spectateur est intelligemment titillé et le cinéaste retrouve pour ce retour aux sources son fils et son frère comme acteurs. Une déclaration d’amour aux siens, à sa terre, au pouvoir des histoires, et au cinéma.