Love is strange

Réalisateur clé du paysage indépendant américain, Ira Sachs sort son cinquième film, Love is Strange, après l’inédit en France The Delta, Forty Shades of Blue, Married Life et Keep the Lights on. Le couple reste son champ d’action, mais il s’attache cette fois, avec son scénariste brésilien Mauricio Zacharias, à une figure désertée par le grand écran. Deux hommes d’âge mûr s’aiment et se marient au bout de trente-neuf ans de vie commune. Point de départ qui annonce l’épanouissement pour ce duo propriétaire à New York. Mais George est viré de son boulot de chef de chœur dans le milieu religieux, car son union fait désordre ; ils ne peuvent plus payer leurs traites, doivent vendre et quitter leur appart, et se loger séparément chez des proches respectifs, en attendant des jours meilleurs. Émouvante, cette chronique antispectaculaire l’est profondément. Sachs balaie la complaisance et le pathos en jouant d’ellipses audacieuses, pour mieux retranscrire le fil de cheminements existentiels. Homos, hétéros, jeunes, adultes, vieillissants, font tous face à leurs choix de vie et à l’état de leurs sentiments. Les pérégrinations du couple senior et leur amour puissant servent de miroir aux autres, et racontent une part de l’Amérique d’aujourd’hui et de notre monde. Simple et engagé, subversif dans son acuité, ce portrait est porté haut par John Lithgow et Alfred Molina. Étrange cependant que le final suive l’ado « héritier », un temps trouble dans son désir, « rentré dans l’ordre » de l’hétérosexualité.