Le Garçon et le monde

On ne voit qu’eux : des grands yeux tracés en noir dans une boule de visage. Il n’a ni bouche ni nez, trois cheveux sur la tête. Il n’a pas de nom, c’est un tout petit garçon, en short et en maillot rayé, aux jambes allumettes. D’un trait simple et libre, le Brésilien Alê Abreu a dessiné le visage innocent du petit héros haut comme trois pommes de son film animé qui regarde le monde à sa hauteur, avec les yeux immenses de l’enfance. L’histoire ressemble à ce gamin minuscule qui s’en va à la recherche de son père, parti travailler loin de la maison, quelque part en Amérique latine. L’enfant, dans sa quête, affronte ses peurs et découvre le monde et sa barbarie, les rêves enfuis, la poésie en suspens. Au fil du voyage, le dessin parti d’une page presque blanche prend des couleurs et se charge de la complexité du monde adulte. Alê Abreu mêle à l’abondance chromatique une variété de techniques, les crayons, les feutres, les pastels, les stylos à bille, les peintures, les collages. Depuis Michel Ocelot, on n’avait guère vu de film d’animation si plein et exemplaire, et le festival d’Annecy ne s’y est pas trompé, qui lui a donné le prix Cristal du long-métrage, doublé du prix du public. Le Garçon et le monde n’est pas seulement ce voyage flamboyant si extraordinairement lumineux : il joue aussi une musique nouvelle, une synchrone symphonie de voix, de rythmes, d’inventions sonores. Le petit garçon grandit et prête ses yeux pour mieux voir. Il faut suivre son regard, et se mettre dans ses pas curieux.