La Danza de la Realidad

Alejandro Jodorowsky a 84 ans, Alejandro Jodorowsky est un enfant. Il est l’enfant de ce film autobiographique paré des atours du conte, de la fantasmagorie, de la poésie. Quel cinéma ! Quelle folie ! Quelle exubérance ! Ce que filme le vieux cinéaste, croyant en la puissance absolue de la fiction sur le réel, c’est l’innocence perdue, comme le temps, de l’enfant qu’il a été dans les années 1940 au Chili, dans la petite ville de Tocopilla, accrochée à une montagne sèche jetée dans une mer poissonneuse. Rien ne sera dit de l’homme qu’il fut au cinéma, culte depuis le baroquisme héroïque d’un improbable western, El Topo, et l’ésotérisme d’un trip métaphysique ascensionnel, La Montagne sacrée. Ce cinéma n’est pas l’histoire de sa vie, c’est le roman d’éducation de l’enfant Alejandro, par un père communiste autoritaire décidé à en faire un homme et une mère rêvée cantatrice couvant ses faiblesses.

Ce roman cinématographique transcende la réalité par magie, traversé par Jodorowsky lui-même qui entre dans le plan et part avec la mort, à la fin, un signe de la main adressé avant les adieux. Le miracle de ce cinéma ? Son imaginaire foisonnant, son récit étourdissant, son funambulisme rayonnant au-dessus du vide, son humanité. Un cortège de magnifiques acteurs et de héros felliniens s’avance. On entre dans la danse, dans le tourbillon intime de l’introspection vitale, au fil d’un voyage mémoriel extraordinaire et tragique. Et on emporte au vent les mots du vieux cinéaste : « Donne-toi à l’illusion. Vis ! ».