Les Chevaux de Dieu

Le sujet est plus que sensible. Le traitement doit être plus que délicat. Quant il s’agit des martyrs au nom d’une cause, des kamikazes des religions, le septième art est souvent frileux. Dernièrement pourtant, quelques auteurs s’y sont risqués. Avec plus ou moins de bonheur. Philippe Faucon par exemple, s’intéressait aux jeunes Français issus de l’immigration devenus kamikazes dans La Désintégration.
Voici donc la vision d’un réalisateur marocain sur le sujet. En partant des attentats de Casablanca commis en 2003, Nabil Ayouch pose la question de ce qui peut mener des jeunes gens à se sacrifier. Sa réponse, qui pose en réalité plus de questions qu’elle ne clôt le sujet, il la trouve dans le bidonville de Sidi Moumen, dont étaient originaires les jeunes kamikazes. Il choisit de nous plonger au coeur des familles qui vivent là, celle de Yassine en particulier. A 10 ans, il ne connaît que son quartier et une famille pour le moins dysfonctionnelle. Il a un père dépressif, un frère à l’armée, un deuxième presque autiste et un troisième, Hamid, petit caïd du quartier. Une famille que sa mère tente de faire survivre dans un environnement où le système D côtoie la violence, deux symptômes d’une misère implacable. Et puis Hamid part en prison, en revient islamiste radical. Et prosélyte. Très vite, il embrigade son frère, les amis de ce dernier et son imam commence avec eux un long travail mental. Un jour, il leur annonce qu’ils ont été choisis pour être martyrs.

Les Chevaux de Dieu pose la question essentielle à tout film politique : un sujet délicat peut-il autoriser une mise en scène si virtuose ? D’autres s’y sont cassé les dents et le pari est toujours risqué. Mais on ne peut qu’applaudir l’audacieux pari de Nabil Ayouch qui opte pour une mise en scène soignée, et laisse toute la place à ses acteurs, pour la plupart non professionnels. Sans jugement, sans démonstration, il montre. Et c’est d’autant plus fort.