Quatrième long-métrage de Cristian Mungiu, Baccalauréat poursuit la réflexion propre au cinéaste roumain autour du malaise existentiel que vit son pays depuis l’écroulement du communisme en 1989. Le tout porté par un même style de mise en scène toujours envoûtant.
L’un des rares cinéastes contemporains à œuvrer avec une rigueur extrême, aussi bien pour l’écriture de ses scénarios que pour leur réalisation. En effet, Cristian Mungiu n’a jamais dérogé à cette règle depuis son premier film, Occident, en 2002. Une rigueur esthétique doublée d’un grand sens critique à l’égard de son pays, la Roumanie, et de son asservissement au régime communiste, de 1947 à 1989. Un regard critique qui s’appuie sur des êtres et des cas particuliers qui sont toujours représentatifs de l’échec national, causé principalement par l’art de chacun de louvoyer entre les valeurs et surtout de s’adonner à l’hypocrisie via la pratique de tous les compromis depuis la chute du mur de Berlin.
Ainsi en va-t-il du protagoniste de Baccalauréat, un médecin quinquagénaire, père de famille qui met tout en œuvre pour que sa fille ait une meilleure vie que la sienne, et puisse, une fois le bac en poche, être admise dans une prestigieuse université anglaise. Mais voilà qu’elle est victime d’une agression sexuelle et que son avenir est aussitôt compromis, à moins qu’un certain nombre de… compromissions ne permettent à son père de lui conserver tous les espoirs. Un manque d’intégrité et de lucidité qui avait déjà amené les couples d’Occident à vouloir fuir vers l’Ouest, sans se rendre compte que cette échappatoire était un miroir aux alouettes. De même pour les deux filles de 4 Mois, 3 semaines et 2 jours (2007), aveuglées par leur émancipation sexuelle, et celles d’Au-delà des collines (2012), aliénées par leur amour illicite. Les personnages de Baccalauréat ne peuvent donc envisager leur futur qu’au prix de la perte de leur dignité humaine. Dignité de toute façon impossible à conserver dans un pays où règne l’absence de nouveaux repères depuis l’élimination sanglante du dictateur Nicolae Ceauşescu, qui a entraîné un manque total de confiance dans l’autorité et la loi, et ouvert la porte à toutes les corruptions. Mungiu excelle dans cet art de créer des ambiances d’inquiétude existentielle au sein d’une société en déséquilibre, en grande partie grâce à l’emploi d’envoûtants plans-séquences qui étouffent les personnages et surtout à une direction d’acteur d’une justesse inouïe.
Titulaire, à Cannes, d’une Palme d’or pour 4 Mois…, du prix du meilleur scénario et de la meilleure interprétation féminine pour ses deux actrices d’Au-delà des collines, et de la meilleure mise en scène pour Baccalauréat (ex æquo avec Olivier Assayas pour Personal Shopper), Cristian Mungiu n’en finit donc pas d’observer l’évolution de son pays et de nous inciter à partager sa réflexion sur son mal d’être, en fin de compte fort peu éloigné du nôtre.