A Touch of Sin

«Je vais te tuer avec mon fric !», lance à Xiaoyu un riche client du salon de massage, tout en frappant frénétiquement le visage de la jeune femme avec une liasse de billets. C’est cela, A Touch of Sin : l’insupportable violence faite par les puissants aux misérables dans la Chine d’aujourd’hui. Mais puisqu’ils n’obtiennent plus réparation, puisque la justice sociale n’existe pas, les seconds se mettent à se révolter contre les premiers. A demander réparation. Et à les tuer avec leur colère (mais aussi un fusil, un pistolet ou un couteau à fruit). Quittant le réalisme proche du documentaire qui est la marque de ses œuvres les plus fortes (Xiao Wu, artisan pickpocket, Platform), Jia Zhang Ke, pour son onzième film, adopte le style codifié des genres — arts martiaux (ou wuxiapian), western, polar — et les réinvente. Il retrouve la structure entrelacée de Still Life, mais avec plus de personnages, tout droit sortis de faits divers réels survenus ces dernières années. Soit un mineur, un travailleur saisonnier, une masseuse et un jeune ouvrier : quatre petits, obscurs et sans-grades qui vivent dans autant de provinces du pays. Ces destins se croisent parfois juste un instant, mais sont liés par les parcours incessants d’un lieu à l’autre. Les trains, les bus, les avions, les motos zèbrent l’écran large, la barbarie éclate en couleurs rougeoyantes sur les paysages gris-bleu, enneigés, glacés. C’est époustouflant, dérangeant, terrifiant. De ce constat cruel, on sort fascinés et inconsolables.