Play it again, Germaine ! J201

Ce qui nous touche

Et le 202ème jour, les salles de cinémas ouvrirent à nouveau leurs portes au public. Et chacun vit que c’était bon… François Truffaut (encore et toujours lui) disait dans La Nuit américaine qu’il n’y avait « pas d’embouteillages dans les films ». Mais il y en aura dans les salles. L’hypothèse d’une semaine blanche, permettant aux films sacrifiés d’octobre dernier de trouver enfin leurs spectateurs, a fait long feu. Trente longs-métrages, dont quinze nouveautés se partageront les écrans de France ce mercredi19 mai. Trente films, ce n’est pas énorme en soi, puisque la place est libre. Mais les vagues d’inédits déferlant les semaines suivantes vont être meurtrières. Ôte-toi de là que je m’y mette. Play it again, Germaine. Apprendrons-nous un jour de nos erreurs ? Quoi qu’il en soit de ce constat rabat-joie, en cette veille de liesse ne subsiste qu’un seul mot d’ordre : allons au cinéma !

Effet papillon. Ce que nous sommes, ce que nous faisons, même si ça n’a l’air de rien, impacte la vie des autres. C’est le sujet d’un des plus grands films de cinéma, La vie est belle de Frank Capra. C’est aussi le mouvement du merveilleux Smoke de Wayne Wang et Paul Auster, qui nous ramène, Germaine, à une petite boutique au coin de la rue, comme il y a 199 jours ici même. Ce qui n’est pas tourner en rond, ni se mordre la queue, mais bien, finalement, affirmer ce qui, à BANDE À PART, nous hante et nous agite, nous fait avancer et vibrer.

Cette petite boutique se situe à New York, précisément à l’angle de la 3e rue et de la 7e avenue. L’on y vend et achète du tabac et l’on y offre des histoires, puisque son patron Auggie et ses clients, turfistes, écrivain ou autres sont aussi philosophes à leurs heures, perdues ou pas. Photographe amateur et obsessionnel — il ne prend que des clichés de son échoppe, toujours du même trottoir, chaque matin à la même heure depuis des années —, Auggie, interprété par Harvey Keitel, est cet homme attentif aux infimes gestes, aux menues pensées, aux délicates intentions qui peuvent parfois changer le monde. Ou au moins ce « tout petit coin du monde ». Lors d’une confrontation entre un père et son fils, une gifle du premier au second entraîne un corps à corps avec Auggie qui débouche sur le coup de pied d’une femme voulant défendre son homme, faisant naître un vacillement du corps de l’assaillant impactant le bras déjà blessé de l’écrivain (William Hurt). Si ce n’était dramatique, ce serait drôle, digne du plus grand burlesque, du slapstick. Illustration, frappante et à la lettre, de ce qui nous touche… Larmes et rires, émotion et joie, si la vie vaut la peine d’être vécue, le partage – d’histoires, d’images, de sentiments, de mots et de moments – en est le miel.