Play it again, Germaine ! J12

Cas contact

Ce matin, l’infirmière qui a tourné dix fois un grand coton-tige dans chacune de mes narines (oui, je suis « cas contact »…) m’a demandé ce que je faisais dans la vie. En répondant « critique de cinéma », je m’attendais bêtement — force de l’habitude — à la rituelle question : « Ah ! Et que faut-il voir ? », par conséquent, et afin de couper court, j’ai ajouté, un rien fataliste : « il n’y a pas beaucoup de boulot en ce moment… ». Je la regardais avec à peu près autant d’aménité que si elle était l’infirmière folle de Vol au-dessus d’un nid de coucou de Miloš Forman. La vraie, interprétée avec délectation sadique par Louise Fletcher, pas celle qui a donné lieu à cette inepte (même si visuellement très élégante) série Netflix signée Ryan Murphy et intitulée Ratched.

Tout en collant l’étiquette sur la pipette, puis me versant du gel hydroalcoolique sur les paumes avant de se frotter elle-même vigoureusement les mains, la dame a souri des yeux. Et elle a dit : « Oui, c’est dommage, les cinémas qui ont fermé alors que ça venait juste de reprendre et qu’il y avait tellement de beaux films à voir. Plein de beaux films français… En plus, franchement, avec les mesures sanitaires, les masques et les fauteuils vides entre chaque spectateur, on ne risquait rien. » J’ai biché sous mon masque, j’ai opiné du chef, j’avais envie de l’embrasser, ce n’était pas du tout prudent.

L’INFIRMIÈRE QUI FAIT DES TESTS COVID À LONGUEUR DE JOURNÉE DIT QUE LES SALLES DE CINÉMA SONT SAFE !

Play it again, Germaine ! Monsieur le Président, monsieur le Premier ministre ?!?! Recommencez tout, écoutez les gens, pas seulement les professionnels de la profession, mais les usagers, les spectateurs, ceux qui pratiquent, ceux qui savent !

Tandis qu’elle me raccompagnait à la porte du labo pour m’exfiltrer et faire entrer le patient suivant, j’ai voulu ajouter un truc du genre : « Il va falloir prendre son mal en patience jusqu’à la réouverture… » et là, elle a dit : « Juste avant la fermeture, je me suis précipitée pour voir le film d’Albert Dupontel, Adieu les cons, et dans la foulée, j’ai vu ADN de Maïwenn. Ils sont très différents, mais j’ai adoré les deux, j’ai trouvé ça totalement emballant. » J’étais venue à pied, je suis repartie sur un nuage.