Festival de Cannes Jour 4

Des femmes et de la poésie

Des titres des œuvres à des scènes spécifiques, tout se mélange dans les têtes, où parfois nous remontons les films différemment, façon smash-up. Mais le cinéma résiste à tout. Des fulgurances et des femmes nous hantent et c’est délicieux.

Une réplique en arabe tchadien (dans Lingui, les liens sacrés de Mahamat-Saleh Haroun) faisant écho à la phrase de Sophie Marceau (et d’Emmanuelle Bernheim) qui donne son titre à Tout s’est bien passé de François Ozon ; la révolte d’une jeune italienne fille de mafioso (A Chiara de Jonas Carpignano) se répercutant chez une adolescente nantie en vacances sur la côte espagnole découvrant les différences sociales au contact d’une Colombienne de son âge dans Libertad de Clara Roquet … Tout est résonnance, échos, ponts et liens dans les films qui se suivent sous nos regards dans les salles du Festival de Cannes.

Souvent les non-initiés demandent aux critiques de cinéma : mais comment faites-vous donc pour voir quatre ou cinq films par jour, ce doit être épuisant ? Marie Desplechin, écrivaine et journaliste qui exerça un temps ce rôle pour un mensuel féminin, relativisait joliment : « Ce n’est pas la mine, c’est même pas la Poste ! » Moi, plus prosaïque, je réponds toujours : « C’est comme une gymnastique… » Je ne précise jamais qu’il arrive que les neurones aient un petit claquage, tout de même. Car, quoi qu’il en soit, voir des films à longueur de temps et écrire ensuite à leur propos, c’est le plus beau métier du monde. À mon avis, que je partage… (comme disait Zazie).

Dans ce festin de films submergent les coups de cœur, les moments de poésie, le ventre qui se serre, les larmes qui montent aux yeux. Et hier en séance spéciale à la Semaine de la Critique, Sandrine Kiberlain présentait Une jeune fille qui va bien, son premier long-métrage, situé à Paris dans les années 1940, lorsqu’insidieusement puis très clairement, il commence à se faire jour que « Ce n’est pas à la mode d’être juif… », comme le dit le père. Mais au lieu de se centrer sur une reconstitution pesante, la réalisatrice raconte la vie et le désir d’une aspirante actrice et fait siens le corps sautillant et le visage radieux de sa merveilleuse actrice Rebecca Marder. Libellule et soleil, elle est l’incarnation de la grâce absolue. De la vie.

Des femmes il y a en a dans toutes les sections, derrière la caméra (un peu plus, peut-être, que d’habitude) et surtout devant. Des femmes décidées, combattantes, révoltées, amoureuses, uniques et universelles. Des femmes qui disent non, se dressent et font face. D’autres qui, sans trouver le chemin le plus droit, parviennent à la lumière. C’est le cas de l’héroïne de Julie en 12 chapitres du Norvégien Joachim Trier, Julie donc, bientôt 30 ans et toujours pleine d’orages intérieurs, qui se cherche et rencontre des hommes, avant de se trouver elle-même… Renate Reinsve, solaire, changeante et mouvante, est une pure révélation.