Bel ensemble

Larmes aux yeux devant le concert confiné de l’Orchestre National de France. Le Boléro de Ravel en son crescendo, tandis que chaque musicien de chez lui, et, à l’écran, chacun dans sa case, souffle, frappe, fait vibrer des cordes, glisse ses doigts, brandit son archet… Beauté de cet ensemble morcelé, visualisé en mosaïque bouleversante, splendeur de cet unisson que rend encore plus fascinant et émouvant le fait d’être claquemuré.

Et je me souviens du Goût des autres, premier long-métrage réalisé par Agnès Jaoui sur un scénario coécrit avec Jean-Pierre Bacri, en 2000, vingt ans déjà… Rien que le titre, à double fond, qui convient si bien à cette période. Vous me direz : « Le Jour le plus long aussi convient ! », et vous aurez raison, mais c’est bizarre, je n’ai pas tellement envie de revoir Le Jour le plus long, là, maintenant, tout de suite.
Et au-delà du bonheur de ce film intelligent et drôle sur les idées préconçues et les chapelles de l’intelligentsia, sur le regard et l’écoute, au-delà du plaisir des acteurs (Anne Alvaro, Alain Chabat, Christine Millet, Gérard Lanvin, Anne Le Ny, et, bien sûr, les Jabac, comme les appelait Alain Resnais), je repense à cette belle idée de cinéma qui le parcourt et le clôt…
Bruno (Chabat), chauffeur de Castella (Bacri) et l’unique personnage que l’on voit seul chez lui, s’exerce à la flûte traversière. Le son qui en émane ressemble à quelque chose comme « Fu, fufu, fufu, fufu… », c’est assez ingrat. Une fois, deux fois. À la troisième, il jette la flûte avec un regard désespéré/exaspéré qui me réjouit à chaque vision. Quatrième fois et fin du film : Bruno démarre ses « Fu, fufu, fufu… », mais il n’est plus seul, il est avec un jeune homme au sourire d’ange qui l’encourage des yeux et joue également de la flûte traversière, et, en fait, avec tout un orchestre.
Et la mélodie qu’ils entonnent ensemble (et le titre de la chanson que l’on reconnaît immédiatement, et dont le rythme est bel et bien « Fu, fufu, fufu, fufu… » est la surprise que je vous laisse découvrir ou redécouvrir…

(Sur La Cinetek, par exemple. Note : du 1er au 15 avril, les films en basse définition y sont à 1,99 euros (2,99 pour les HD)).