Les émouvantes images de Philippe R. Doumic

Découvrir un trésor

Pour fêter ses 70 ans, Unifrance exhume l’œuvre photographique d’un inconnu, qui ne devrait pas le rester, Philippe R. Doumic, et expose à la galerie Cinéma, à Paris, quarante sublimes portraits d’acteurs français des années soixante.

Ils posent dans Paris, avec leur animal favori, ou seuls chez eux. Ils sont jeunes et beaux, dans une lumière naturelle qui leur donne une aura différente. Ces portraits en noir et blanc de Jeanne Moreau, Alain Delon, Annie Girardot, Anna Karina, Jean-Paul Belmondo, Brigitte Bardot et toutes ces stars du cinéma français des années 1960 sont bouleversantes dans leur simplicité, l’éclat singulier des regards, l’émotion intime qui s’en dégage.

Leur auteur s’appelle Philippe R. Doumic, né en 1927, mort en 2013. Photographe débutant, il est chargé dans les années 1960 par Unifrance — organisme de promotion et d’exportation du cinéma français à l’étranger — de réaliser des portraits des étoiles montantes hexagonales, portraits qui seront envoyés de par le monde pour porter la bonne parole de notre cinéma made in France.

Si, au hasard des salles de l’exposition (*) on reconnaît, pour les avoir vues souvent publiées, la photo de Jean-Luc Godard, Boyard maïs au bec, contemplant un ruban de pellicule à travers ses lunettes noires, ou un très gros plan de Catherine Deneuve, déesse ingénue plongeant son regard dans le nôtre, la plupart des autres clichés sont des découvertes absolues. Agnès Varda et Jacques Demy, chacun dans leur cadre, vaguement songeurs, regardent dans la même direction ; on croit voir bouger la chevelure de Françoise Dorléac et entendre son rire tandis que ses yeux en amande se plissent et sa main vole vers sa bouche ; méconnaissable sans son éternel Stetson et ses lunettes d’aviateur, Jean-Pierre Melville pousse un cri d’étonnement comme pour faire sourire son gros chat tigré qui reste coi ; les arcades des Tuileries donnent à Anouk Aimée des allures de douce Madone rêvée par un peintre. Cette balade au cœur des sixties, où certains de ceux qui sont là, dans l’éclat insolent de leur jeunesse, ne sont plus là aujourd’hui, est comme un moment suspendu. Ni nostalgique ni triste, mais vivant, comme un prolongement des images, animées celles-là, qui affluent par vagues à nos mémoires cinéphiles.

Cette exposition est l’histoire d’un trésor, découvert par un amoureux du cinéma, un obstiné qui a bien fait d’insister, car sans lui, nous n’aurions jamais découvert ces images uniques et oubliées. L’obstiné s’appelle Sébastien Cauchon, il est directeur de la communication d’Unifrance Films, spécialiste de Marilyn Monroe et collectionneur fou de ses photos, ainsi que d’autres instantanés de cinéma… avec une prédilection pour les tirages vintage en noir et blanc. Ayant dans sa collection un Belmondo signé Doumic, il a tiré le fil suffisamment longtemps pour retrouver la trace du photographe en la personne de sa fille, Laurence (**). Elle lui a ouvert les archives paternelles, quelque 9000 photos toutes plus belles les unes que les autres. Nul doute que cette exposition, à découvrir absolument, et qui est déjà annoncée dans des festivals, dont celui du film francophone d’Angoulême, ouvrira la voie à d’autres beautés dévoilées.

(*) Jusqu’au 1er juin. Galerie Cinéma Anne-Dominique Toussaint 26, rue Saint-Claude 75003 Paris.

(**) Laurence Doumic, avec son mari Christian Roux, gère désormais le fonds Philippe R. Doumic au sein de la société Doumic Studio.