LUFF 2016

Chats congelés et méga-braquemarts

Lausanne du 19 au 23 octobre 2016.

Cela fait une poignée d’années qu’au printemps, à Lausanne, se tient le festival La Fête du slip (merci de ne pas cliquer si vous avez moins de 18 ans, ou plus mais l’esprit étroit). Il s’agit d’y célébrer ce que recouvrent habituellement pudiquement (ou non) les dessous chics (ou pas) : à savoir du cul du cul du cul – et de l’art. Mais à Lausanne, ville décidément friponne, les mois d’octobre sont presque aussi chauds et ce depuis bien plus longtemps puisque dès ses débuts il y a quinze ans, le sexe a également su se tailler une place de choix au LUFF – Lausanne Underground Film (and Music) Festival.

Une spécificité particulièrement remarquable cette année, car 2016 coïncide avec le jubilé de la fondation F.I.N.A.L.E., une belle et unique (corrigez-moi si je me trompe ?) entreprise de sauvegarde et de mise en valeur du patrimoine érotique, principalement littéraire et photographique, mais également cinématographique. Son fondateur, Michel Froidevaux, tient en parallèle la librairie HumuS, partenaire essentiel du LUFF. Et s’il n’est pas forcément à l’aise sur scène pour présenter ses cartes blanches, l’excellent homme peut légitimement s’enorgueillir d’avoir proposé au public une programmation impeccable : des films rares où la sexualité est libre, joyeuse, inventive, subversive. J’ai ainsi eu le grand plaisir de découvrir La Fille du garde-barrière (1975) de Jérôme Savary (eh oui), co-écrit avec Roland Topor. Un drôlissime et magistral hommage au cinéma muet, trente bonnes années avant The Artist. En plus couillu. Ce film est si peu accessible que je n’ai ni extrait ni trailer à vous proposer, mais une évocation ravissante pour compenser : alignées en rang d’ognons entre leur sultan et le nouvel “intendant“ débauché dans un bordel français, les demoiselles d’un harem se tapotent le clitoris en cadence pour trouver le sommeil ; l’image est délicieuse et le gag qui en découle a beau être attendu, il reste irrésistible (slapstick oblige, on tombe beaucoup).

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Et d’une section à l’autre : si dans La Fille du garde-barrière, les phallus géants sont factices, ce n’est certes pas le cas du héros hyper-bien membré de Bijoux (1972), une démesure cadrée avec tant de candide gourmandise qu’on finit par en rire ! On a pu découvrir cette étrange et belle fantasmagorie dans le cadre de l’hommage au réalisateur Wakefield Poole, ex-danseur de ballet reconverti au porno-gay chic, un précurseur pourtant méconnu de la vague X qui allait submerger le monde au mitan des années 1970…

Cette propension à brandir des méga-braquemarts s’est naturellement retrouvée dans la compétition longs métrages. Dans Cat Sick Blues (Dave Jackson, 2015) un jeune homme tente de faire revenir son défunt chat adoré par des voies plus qu’étranges, notamment en le personnifiant à l’aide d’un masque, de gants griffus et d’un sexe ravageur. Le film, très drôle au début sous ses dehors de slasher crétin et de “fuck les LOLcats“ glisse vers la bizarrerie, vers le malaise ; jusqu’à une rupture de ton que n’ont pas toléré quelques jeunes femmes énervées lors de la projection. Pour moi il s’agissait, haut la main, du meilleur film de cette compétition – et pas seulement parce qu’avec son chat congelé, il m’a rappelé Rubin and Ed, coup de foudre inégalé de ma première venue au LUFF (voir BàP #23). Mais c’est le plus sage Wild (Nicolette Krebitz, 2016) qui a séduit le jury – une informaticienne effacée régresse progressivement à l’état sauvage après une rencontre inopinée avec un loup, au détour d’un bosquet.

 

Sinon au LUFF, il y a aussi de la musique : plein, drôlement bien et jouée sacrément fort. J’ai malheureusement manqué la performance russo-thibétaine de Phurpa qui me tentait énormément, mais moins que La Fille du garde-barrière projeté au même moment. En revanche, guidée par ma thématique phallique je n’ai pas fait l’impasse, et je m’en réjouis, sur la chaotique (contre)performance de Schlaasss dont le clip Kiki m’avait conquise. Euh : là non plus ne cliquez pas si vous n’avez pas l’âge ou pas de patience pour le mauvais-goût et la crétinerie assumée.

Et sur ces belles paroles, je vais arrêter de ne penser qu’à “ça“ et m’ouvrir à d’autres horizons… Direction les Utopiales et ses “Machine(s)“ ! Compte-rendu à suivre.