Expo Star Wars

Les figures du mythe


Si Roland Barthes écrivait aujourd’hui Mythologies, sans doute s’emparerait-il de Star Wars, spectacle d’un récit mythique, avec ses héros aventurés au-delà des limites de la condition humaine, la révélation du sacré avec la Force. De cette culture populaire, avec ses adorateurs, croyants modernes, et ses objets de culte, l’art contemporain se réapproprie les figures et les signes.

À Paris, à l’invitation de Matthieu Taravella et Jean-Baptiste Simon, trente-deux artistes exposent à la galerie Sakura leur vision de cette mythologie, qui excède le cadre du cinéma. Photographies, montages, sculptures, collages, illustrations sont comme autant de variations artistiques sur le même mythe et ce que l’on en imagine, dans l’axe dialectique du sacré et du profane. Rencontre avec Matthieu Taravella, directeur de la galerie Sakura.


En quoi les streets artists que vous avez invités à réinterpréter les casques des Stormtroopers, sont-ils les vecteurs idéaux de la représentation de cette pop culture ?

Il n’y a pas qu’une représentation unique. Chacun a son expression, son medium, son combat. Ali ou Pimax en font une pièce sculptée. Chanoir ou Tetar ont appliqué leurs tags. D’autres ont essayé d’y inscrire un autre récit propre, à l’image de Nosbé qui a dessiné des visages et des bêtes qui grouillent. Alben a refait le moulage et y a intégré d’autres éléments de la pop culture, comme les chaussures Stan Smith.

Le photographe Sacha Golberger met en scène les personnages emblématiques de Star Wars dans des portraits de style Renaissance en costumes, le sculpteur Alexandre Nicolas érige des totems. Antony Knapik les envisage en masques africains des arts premiers… Comment voyez-vous cette plasticité de l’imagerie glorieuse des héros et son déplacement hors de l’univers de la science-fiction ?

Cette plasticité montre que différentes cultures peuvent se lier, dans le temps, et dans des genres différents. On repère des similitudes et correspondances. Knapik fait des personnages de Star Wars de véritables dieux africains. Cette vision est tout à fait intéressante : cela veut dire que la culture populaire crée des divinités, qui sont des images de films. Une nouvelle mythologie s’invente, un nouveau sacré.

En même temps que les artistes font œuvre, dans des genres différents, de ces dieux iconiques, ils n’opèrent pas de complètes transfigurations : on identifie précisément tous les héros familiers de la saga…

Je crois que la question n’est pas de les reconnaître ou pas, mais d’observer comment ils inspirent des démarches artistiques pertinentes, des styles, des propositions de grande qualité. Quand on observe le travail du photographe Marc Ninghetto, par exemple, on peut dire qu’il a mis Star Wars sur son style et réciproquement, son style sur Star Wars. Il s’agit de gestes artistiques, libres, inspirés, et c’est en cela que ces travaux font sens. On détourne et retourne l’art sur lequel la saga est posée. Quand l’Ukrainien Daniel Polevoy colle les personnages sur des photographies anciennes, il ne les reproduit pas, il crée des œuvres à part, insolites, comme ce Yoda devenu prussien.