Enfin L’Étrange Festival !

(Au Forum des Images, à Paris, du 6 au 17 septembre 2017)

C’est ma famille et c’est mon ADN cinéphile, pourtant je n’en rends plus compte depuis des années…. Alors pour sa 23e édition, plein feu sur le seul, l’unique : L’Étrange Festival (= imaginez ça en lettres de feu aquatique qui ondulent et pulsent : L’ÉTRANGE FESTIVAL quoi !)

D’abord, parlons un peu de moi (moi-moi-moi… non : NOUS !)

 

Comme vous le savez chers lecteurs fidèles, L’Étrange n’est pas le tout premier festival que j’ai fréquenté -c’était le BIFFF, cf. BàP #25. Mais c’est le plus important. Celui qui m’a fait grandir en cinéma. Celui grâce auquel je suis passée de la simple consommation au stimulant “faire et partager“.

Flash back. Il y a quelques 25 années de cela, nous étions une petite bande de lycéens aimantés par le même goût pour le cinéma fantastique, le cinéma d’horreur -bref : tout ces films “pas pareils“. Avec le sur-motivé et très fédérateur Philippe Lux à notre tête, nous avions créé le Mad Ciné-Club (en référence à la revue Mad Movies bien sûr), d’abord dans le cadre scolaire, puis ponctuellement dans la salle de cinéma municipale de notre ville –Strasbourg, qui se révèle, au passage, un étonnant vivier d’amoureux du 7e art ayant su essaimer ; il faudrait à l’occasion se pencher sur ce phénomène.

A peu près à la même période, notre infatigable tête chercheuse (Philippe donc) est tombée en arrêt sur une jeune manifestation parisienne : L’Étrange Festival. Coup de foudre immédiat. Les gars à l’origine de cet incroyable maelstrom d’images étaient des passionnés qui, avec une culture et un goût très sûrs, une curiosité sans faille et trois francs six sous, avaient réussi à monter un truc enthousiasmant, à nul autre pareil sous ces latitudes, en cette époque.

Galvanisés par l’audace folle des Étranges parisiens, parrainés et aidés par eux – le toujours actuel Frédéric Temps en tête-, nous avons alors entrepris de créer notre version de L’Étrange Festival à Strasbourg. Une version réduite, encore plus fauchée, mais avec la même ambition : offrir aux spectateurs des œuvres extraordinaires, pourtant dédaignées ou oubliées, quand elles n’étaient pas purement ignorées par la culture dominante.


Étranges souvenirs en pagaille

 

Vers la fin des années 90, Canal + faisait encore preuve d’une certaine munificence et ça donnait lieu, une ou deux fois l’an à Paris, à des nuits de L’Étrange assez folles, où il est bien certain qu’abreuvés et restaurés, les joyeux spectateurs étaient encore nombreux au petit matin. Par contre ces longues nuits, qui existent toujours en moins arrosées, exposent fatalement aux siestes impromptues : j’ai ainsi longtemps, et avec la plus malicieuse mauvaise foi, taxé Takashi Miike d’incohérence pour m’être endormie dans l’acte 1 de sa saga Dead or Alive et réveillée au milieu du troisième opus sans m’en rendre compte = j’avais juste fermé les yeux une seconde. Mais hé, l’important à retenir c’est qu’on suivait l’œuvre de ce frapadingue de Takashi Miike découvert quelques années auparavant par les Étranges dénicheurs !!!

A Strasbourg, je garde précieusement en mémoire la brève rencontre entre un jeune Kiyoshi Kurosawa pas connu du tout et un historique Jess Franco pas encore reconnu à sa juste valeur. L’esprit même de L’Étrange Festival. Ensuite, Jess et sa muse Lina Romay sont venus à la maison (trois étages sans ascenseur) pour manger une choucroute, à la bonne franquette -on n’avait pas trop de sous pour les restaus, j’étais  souvent hôte/cantinière, entre autres. Rahh, y a pas de photos !!!!!

Là j’en sors deux au pif, mais en plus de 20 ans, entre Strasbourg et Paris, j’ai évidemment amassé suffisamment de moments forts pour lancer une rubrique –Richard Stanley et  ses rituels de sorcellerie ; Annie Sprinkle qui nous invite, un à un, à admirer son vagin ; la trompeuse ressemblance, de dos, entre Fabrice du Welz et Fouzi Louahem ; Gaspar Noé et une éthylique histoire de nazi au slip moisi ; Bill Plympton, sous l’ère du président Bill Clinton, qui doit reprendre un avion de bon matin… Allez, si vous insistez on la créera peut-être cette rubrique !


La substantifique moelle

 

Mais trêve d’anecdotes, L’Étrange Festival c’est avant tout d’inépuisables trouvailles pertinentes et insolentes ; un défrichage permanent de ce qui s’invente de plus excitant sur la planète cinéma.

Bien sûr, ce n’est plus tout à fait comme il y a 25 ans, l’arrivée d’Internet d’une part et la multiplication des festivals fantastiques d’autre part ont un peu changé la donne. N’empêche : L’Étrange trouve toujours le moyen de proposer des séances totalement inédites ailleurs en France et de les agencer de manière à les faire entrer en résonance. Mon coup de cœur des deux éditions précédentes étant les films de Khavn...

Mais au fil des ans les uppercuts ont été si nombreux que je ne me risquerais pas à me lancer dans une énumération. Simplement, je peux dire qu’après avoir quitté l’organisation de L’Étrange Festival de Strasbourg quelques années avant sa fin (17 éditions et puis s’en vont), c’est grâce à la si vivante culture amassée en ces lieux magnifiquement fréquentés que j’ai pu durablement alimenter, de manière aussi variée, la défunte case Trash d’arte.tv. Au petit jeu du “si vous avez aimé, vous aimerez“, j’en avais sous le coude !


Et donc, cette année ?

 

Pour sa 23e édition, L’Étrange Festival – toujours dirigé, on l’a dit, par Frédéric Temps et rejoint entre-temps par Philippe Lux à la programmation– invite d’autres passeurs à enrichir la fête. Avec en particulier un focus sur le festival de Sitges qui souffle cette année ses 50 bougies (c’est le doyen des festivals de cinéma fantastique européens). Sont également prévues plusieurs cartes blanches (une des belles spécificités de la manifestation) dont une à l’émission Mauvais genres qui fête ses 20 ans, et une autre au duo Caro/Jeunet reformé pour l’occasion –en parallèle, la Halle Saint-Pierre leur consacre une exposition qu’il ne faudra pas manquer ! Côté événementiel, sans prétendre à l’exhaustivité, notons encore la performance de Tom de Pekin histoire de se souvenir que depuis toujours à L’Étrange, l’art live est aussi le bienvenu. Et pour finir, un gros point d’interrogation à côté du nom de Boris Szulzinger,  réalisateur belge a l’air bien perché, dont trois films seront montrés en sa présence.

Tant de belles choses… Faites-vous en une idée en consultant le programme en ligne ! Pour ma part j’essayerai d’en revenir avec un petit compte-rendu. Mais vous vous en souvenez, il me reste un vieux chat à la maison, et mes fidèles cat-sitters ont la mauvaise habitude de prendre leurs vacances au mois de septembre, ce qui contrarie systématiquement mes visites à L’Étrange Festival…  Bah j’irai quand même y faire un saut : ce sera trop court, mais forcément bon. Et nous nous y croiserons peut-être ? Au plaisir.

magazine de cinéma - L'Étrange Festival 2017