Ces messieurs me disent

à propos d'Un beau soleil intérieur de Claire Denis

Présenté en ouverture de la Quinzaine des réalisateurs, le nouveau film de Claire Denis a remporté haut la main la joie et l’adhésion des spectateurs cannois, à l’image du titre qui confine à la plénitude : un beau soleil intérieur.

Médiatrice magnifique, Juliette Binoche (qui joue Isabelle), épouse les contours de ce film d’auteur renouvelé par les mots d’une nouvelle venue en tant que collaboratrice au scénario dans l’univers de Claire Denis : Christine Angot. L’écrivain et la cinéaste forgent ainsi un duo très intense, calé sur le point de vue amoureux de leur héroïne qui est habitée d’un manque et désir irrépressibles d’amour. Ce sont ses hésitations et ses tergiversations qui font le cœur de ce portrait toujours enjoué, léger et profond, le va-et-vient d’une néoromantique dans sa valse contemporaine en plein Paris, passant de bras en bras d’hommes toujours plus nombreux et tortueux. Car s’il s’agit prioritairement de traiter du désarroi d’Isabelle (dont un mémorable et hilarant pétage de plombs dont la sincérité n’est pas loin de rappeler la fébrilité d’Angot face à l’impénétrable Fillon aux dernières élections), en creux, le spectateur assiste à une peinture savante de la masculinité comme peu de cinéaste auront su s’y atteler. Il est question ainsi d’explorer une palette d’émotions minutieuses, les angoisses, les enfantillages, les prétentions, les veuleries ou lâchetés dont ces messieurs sont capables, avec le point de vue drôle, si sensible et fin de Claire Denis. Et souvent ces facettes sont exprimées comme des clins d’œil à propos de la féminité de ces hommes et leurs fragilités . A ce jeu-là, Xavier Beauvois, Philippe Katerine, Nicolas Duvauchelle, Alex Descas – toujours là -, Bruno Podalydès ou encore le gargantuesque Gérard Depardieu, excellent. Ils composent tour à tour les satellites du soleil Juliette Binoche qui étincelle dans ce  jeu de miroir savoureux et proprement captivant.