Brillante Mendoza

Taklub

Comme son compatriote Lav Diaz avec Death in the Land of Encantos, Brillante Mendoza a tourné avec Taklub un drame, fortement teinté de documentaire, pour évoquer les ravages causés par le passage d’un typhon aux Philippines. C’est à Cannes, où son film était présenté l’année dernière dans la section Un Certain Regard, que le cinéaste est revenu avec nous sur ses méthodes de travail.


 

C’est la seconde fois que vous travaillez avec Nora Aunor (trois ans après Thy Womb, inédit en France) : comment se sont passées ces retrouvailles ?

J’adore cette actrice, mais au départ, je ne pensais pas pouvoir travailler avec elle, à cause de son emploi du temps chargé. J’ai rencontré d’autres actrices, jusqu’à ce que finalement – je ne sais pas si on peut appeler ça le destin – elle ait pu se libérer pour mon film. Et j’en suis très heureux.

La pré-production a été longue ?

Non, pas vraiment, six mois, environ. C’était surtout un temps consacré à un travail de recherche, j’ai rencontré de nombreux témoins pour bien comprendre la situation. J’étais accompagné par ma scénariste et par la personne qui m’aidait dans mes recherches. C’était une période très intense et en même temps très importante et pleine de sens, pour moi. Il fallait vraiment que je comprenne les histoires de ces victimes et il ne fallait surtout pas que mon film soit une exploitation de leur détresse. Je voulais partager leur histoire avec le monde, car je pense qu’elle est très importante.

Vous employez parfois le plan séquence, comme dans John John ou Serbis, ou vous travaillez sur un montage plus serré come dans Tirador ou ici dans Taklub : à quel moment choisissez-vous votre approche ?

Ça dépend vraiment de ce que je vaux raconter. Quand l’histoire se met en place, le style du film vient progressivement avec. Je ne veux pas avoir une approche trop technique, je souhaite rester le plus spontané possible, notamment avec mes acteurs. Et même si j’arrive sur le plateau avec un script très structuré, je ne veux pas qu’il soit une limite. Je m’offre et je leur offre une forme de liberté.

Vous avez à nouveau travaillé avec des acteurs non professionnels dans ce film ?

Oui, j’essaie toujours de faire travailler des acteurs confirmés avec des non-professionnels, car je pense que les deux ont à apprendre dans cette rencontre. Ça correspond ma méthode pour raconter des histoires, qui navigue souvent entre la fiction et le documentaire.

Combien de temps a duré le tournage du film ?

Seulement quinze jours, ce fut très court. Mais entre la pré-production et la post-production, il s’est déroulé quasiment un an. Comme dans me précédents films, j’adopte un style qu’on pourrait appeler le tournage guérilla. C’est ce qui me donne mon énergie, mon inspiration, mais aussi une spontanéité et une liberté aux acteurs.

Est-ce que Lino Brocka (dont le film Insiang a été projeté quelques jours plus tôt à Cannes Classic) a été une influence pour vous ?

Oui, bien sûr. C’est une influence pour de nombreux cinéastes philippins de ma génération, vous savez. Même si nous avons tous développé un style personnel, bien sûr. Et son cinéma me ramène aussi à une autre époque, où il était plus difficile de faire un film. On se rend compte aujourd’hui que le numérique a simplifié beaucoup de choses. Notamment en matière de couts.

Vous ne regrettez pas l’argentique ?

J’ai eu la chance de pourvoir l’utiliser sur certains de mes films. Bien sûr, c’est différent. Quand vous utilisez le celluloïd et que vous passez par une table de montage à l’ancienne, vous avez l’impression d’appartenir à une certaine tradition de raconteurs d’histoires. Il est sûr que cette facilité que l’on a aujourd’hui engendre un risque, celui que la fabrication d’un film devienne un peu trop mécanique.