Soy Nero

Le petit soldat

Nero a 19 ans. Il marche, il court, il avance. Sans cesse. Enfant de South Central à Los Angeles, il s’est fait renvoyer au pays parental, le Mexique, et il repasse la frontière, sans papiers. Un parcours du combattant qui va le mener jusqu’au combat même, sur le front. S’engager dans l’armée, se battre pour les États-Unis, et devenir citoyen américain. Son idéal de clandestin. Une traversée existentielle extrême pour s’en sortir, pour appartenir. C’est ce que filme le cinéaste iranien Rafi Pitts, lui-même citoyen du monde et interdit dans son propre pays. Chaque rencontre est un enjeu, avec son lot d’inconnu, de promesse, de désillusion, de menace. Séquence flippante où un auto-stoppeur montre sa notion des limites avec son flingue dans la boîte à gants. Séquence fascinante où le frangin joue le caïd pété de thunes à Beverly Hills, mais s’avère n’être qu’un larbin de la villa de luxe. Séquence terrifiante où les « green card soldiers » offrent leur chair pour un ID. Le monde est un vaste miroir aux alouettes truffé de murs. Mais Pitts parie sur son antihéros. Avec comme ligne droite valeureuse, un attachement à l’anti-spectaculaire. Son écriture et sa mise en scène sont précises, désencombrées du superflu. La sécheresse révèle l’essentiel, au service d’une parabole saisissante d’où jaillit une humanité étouffée.