Nocturnal Animals

La fissure

Tom Ford aime les lignes, les matières, les teintes, les mouvements. C’est son art. C’est sa vie. En passant au cinéma, le créateur américain a prouvé avec A Single Man qu’il savait aussi raconter une histoire en images et en sons. Et en filmant des interprètes chevronnés. Il persiste pour son deuxième opus avec une nouvelle adaptation de roman. À l’écrivain britannique Christopher Isherwood succède l’États-Unien Austin Wright. Son roman Tony and Susan, paru en 1993, est devenu Nocturnal Animals. Des « animaux nocturnes » peuplent un étrange récit à deux niveaux, qui se contaminent l’un l’autre. Une galeriste de Los Angeles reçoit un roman écrit par son ex-mari. La lecture de ce récit, où un homme est le témoin passif d’atrocités, révèle sa lectrice au glacis de sa propre existence anesthésiée dans la routine et le luxe. Ford déroule le fil de sa narration en orfèvre, avec un soin particulier apporté au balancement entre sophistication et sauvagerie, au gré des cadres et décors. Après Julianne Moore, il trouve en Amy Adams la rousse parfaite, révélant le malaise vertigineux qui s’ouvre à elle. L’actrice est passée en quelques années de la girl next door à une passionnante incarnation des fantasmes des cinéastes. Elle est ébranlée ici par la mise en scène gigogne à l’horreur engluée dans de vastes plaines, qui s’entrechoquent avec les parfaites villas et galeries californiennes, face à la masculinité inquiétante de Jake Gyllenhaal, Michael Shannon, Aaron Taylor-Johnson et Armie Hammer.