Neruda

Traque fantasque et fantastique

Ils étaient tous deux à l’affiche de la Quinzaine des Réalisateurs 2016. Alejandro Jodorowsky avec sa Poesia sin fin, deuxième acte de son autobiographie cinématographique, Pablo Larrain avec son Neruda, vrai faux biopic sur la fugue et la fuite du poète communiste traqué par le pouvoir chilien en pleine Guerre froide, en 1948. Jodo n’a pas de révérence à l’égard du poète, « héros national visqueux ». Mais Larrain, au fond, non plus. Son Neruda est certes un héros national, persécuté par le président Videla, mais pas loin d’être un salaud antipathique, égotique mégalo, d’un orgueil démesuré, sûr de sa grandeur, de son mythe, de son éternité. Larrain n’essaie jamais de le rendre attachant, pas plus que l’acteur Luis Gnecco, qui joue idéalement avec l’image ambivalente du grand homme assez mal aimable, souvent ridicule de petitesse et de bassesse, qui n’écoute rien ni personne ou presque. Ce Neruda jamais littéraire ne célèbre aucunement l’œuvre du poète : voici une fiction tout en satire, qui prend la forme d’un film de traque fantasque et fantastique, où Pablo Larrain n’a d’égard pour personne, ni pour son sujet, non plus pour le pouvoir chilien, paranoïaque et grand guignol. La farce n’est pas très loin, qui explose en toute fin, quand la confrontation finale a lieu, dans la neige, entre le poète malin et le policier imbécile qui le poursuit obsessionnellement. C’est Gaël Garcia Bernal, hilarant dans sa quête désespérée d’arrêter le mythe irrattrapable.