Wulu

Tracer sa route

Daouda Coulibaly, un nom à retenir. Son premier essai dans la cour du long-métrage est une réussite. En donnant à voir une vérité africaine contemporaine, il tisse une toile audacieuse, où se mêlent le cinéma de genre et la chronique réaliste.

Coproduction entre la France, le Sénégal et le Mali, Wulu est une belle surprise sur la terre africaine. Daouda Coulibaly, marseillais de naissance et francilien de jeunesse, a construit son premier long-métrage comme un thriller. Le parcours d’un homme de vingt ans qui quitte le chemin de l’honnêteté quand on lui refuse une promotion en tant que chauffeur, et qui plonge dans le trafic de drogue, au cœur de l’Afrique de l’Ouest, plaque tournante de la cocaïne entre l’Amérique latine et l’Europe. Le récit, dense, complexe, témoigne de la réalité engluée du Mali, en pleine crise depuis 2012, et des raisons pour lesquelles le pays a dynamité son modèle démocratique. Un véritable geste engagé, qui met à jour la corruption étatique, et son imbrication dans une société à la culture traditionnelle nourrie de rites initiatiques. Mais qui n’oublie pas ce qu’est le cinéma, en se focalisant sur un destin, pour mieux toucher à l’universalité.

La mise en scène est tenue, le rythme est intense, entre langueur et brutalité. Le réalisme ambiant ose aussi des échappées oniriques, qui font sentir à la fois les aspirations et le destin qui guette. Le format Scope englobe les visages en gros plans et célèbre la ville de Bamako, comme les espaces infinis que traversent les routes. Les corps énergiques et juvéniles, et les visages charismatiques accrochent l’écran. Dans son premier rôle de protagoniste, Ibrahim Koma fait sensation en antihéros taiseux et pugnace, accroché à son besoin de réussite, fût-elle par l’argent, pour lequel tout semble permis. Face à lui, la chanteuse Inna Modja irradie de détermination, en sœur ambitieuse. En langue et culture Mambara, « Wulu » veut dire « chien », et définit le dernier niveau de l’initiation dans la communauté. Celui qu’atteint Ladji à la fin du film, en assumant son parcours. Un chemin frappant qui a séduit le Festival de Toronto et qui a décroché des récompenses au Fespaco de Ouagadougou et à Amiens.