Western


Il était une fois dans l’Est

Un séjour en Bulgarie qui saisit. Le western revisité. C’est fort et ample et ça raconte le monde. Valeska Grisebach transcende son récit naturaliste en une envolée mystérieuse et dense.

Des ouvriers allemands. Un chantier dans la campagne bulgare. Des villageois autochtones. Des hommes. Des femmes. Regards. Provocations. Désirs. Rivalités. Le soleil tape. La tension monte. La cinéaste Valeska Grisebach a marqué Un Certain Regard en mai dernier avec ce troisième long-métrage. Une nouvelle génération du cinéma allemand s’affirme grâce aux femmes, un an après l’autre sensation cannoise Toni Erdmann de Maren Ade, ici productrice. Fan de western depuis qu’elle est gosse, la réalisatrice de Mein Stern (2001) et Sehnsucht (2006) revient onze ans après son film précédent, et assume sa fascination, en titrant son nouveau tome du nom du genre.

De vallées en montagnes, de collines en rivière, la nature domine, brute, et sert de décor sans fard à l’action. Elle a même été le moteur de certains ressorts dramatiques, car Grisebach a attendu de connaître le lieu du tournage pour fignoler son scénario. Le village de Petrelik a déclenché son envie. Le duel, motif typique du genre, y nourrit densément le récit, décliné à travers le travail : un homme face à un autre, un étranger face à un autochtone. Tout est question de regards, de mouvements, de déplacements, et de cohabitation. Accepter ou pas le partage du territoire, à coup de drapeau ou de barrières.

Avec son visage émacié et son stoïcisme, incarnant parfaitement tous les passés possibles du personnage, Meinhard Neumann fait ses premiers pas d’acteur, tout comme ses partenaires. Il embarque le film dans une opacité fascinante. Le spectateur trouve l’espace d’imaginer à foison, car Western est une machine à imaginaire. De la dureté naît l’ampleur. Valeska Grisebach a fait le pari de construire une œuvre sur l’altercation et sur la tentative d’abattre les murs. Elle a non seulement passé l’obstacle, mais elle a transcendé son récit naturaliste en une envolée mystérieuse et dense.