Ready Player One

Le manège emballé

Ready Player One, le 32ième film de Steven Spielberg propose un voyage rétro futuriste aussi vertigineux qu’exténuant.

2045, Columbus, Ohio. Déchets, décombres d’une société de consumation. Mais on peut échapper à ce triste décor. Grâce à l’Oasis, grandiose cité virtuelle où tout est permis, où, créant son propre avatar, on peut devenir qui l’on désire. L’Oasis est à conquérir, son créateur vient de mourir, il s’agit de surmonter une série d’épreuves, de trouver trois clés magiques et un œuf de Pâques sacré. Si, si. S’emparant avec une furieuse gourmandise d’un best-seller d’Ernest Cline, Spielberg va nous lancer sur un manège emballé, composer une ode survoltée à la Pop Culture des années 80, et faire émerger de ses vertigineuses prouesses numériques, un petit héros orphelin, déterminé et timide, en tous points spielberguien. C’est Wade (Tye Sheridan), il est brun, son avatar est blond, ils partent tous deux à la conquête de l’impossible, semblant ignorer qu’en français, « avatar » signifie aussi « mésaventures »…

Ready Player One de Steven Spielberg. Copyright Warner Bros France.

Asphyxié de citations, assourdis par le tumulte de collisions incessantes, largués par les références a des jeux vidéo, accessibles aux seuls geeks, on abandonne un instant le fracassant retour vers le futur de Spielberg pour s’accorder un retour vers son passé, vers la douceur irréfragable du poignant petit extraterrestre, E.T. Son adieu. Silencieux…Boum ! C’est reparti ! Wade cherche toujours les clés, se cogne au T.rex de Jurassic Parc, tombe sur Godzilla, évite de justesse le monumental King Kong. Ah ! Il y a du beau monde terrifiant, trop, presque trop. Puis soudain, une séquence magique, l’évocation à la fois ludique et fervente de Shining de Stanley Kubrick. Et pan, on retourne sur le grand huit… Vers la fin, au terme de la quête de Wade, enfin, le grand carambolage spatiotemporel s’apaise, les 140 minutes en apnée rétro futuristes s’achèvent. On retrouve avec délices la banalité essentielle des rapports humains. Simplement humains. C’est alors que nous est délivré avec un sérieux désarmant, ce message: « Seule la réalité est réelle ». Plus profond qu’il y parait. Steven Spielberg n’a jonglé goulûment pendant plus de deux heures avec le virtuel que pour nous prémunir des mortels dangers qu’il recèle. Même si l’on sort épuisés de Ready Player One, on est bien conscients que l’inépuisable talent de l’homme-cinéma de 71 ans est lui aussi, ô combien, réel.