Logan Lucky

La revanche des ploucs

Il avait annoncé qu’il arrêtait le cinéma. Steven Soderbergh a menti, il est de retour avec Logan Lucky et c’est tant mieux.

Il l’avait dit. Fini, le cinéma. Et depuis Side Effects, sorti en 2013, il avait tenu parole, s’occupant notamment de réaliser la géniale série The Knick. Mais le plaisir de s’en payer une vraie grosse tranche sur grand écran l’a emporté. Cela ne peut être que ça. Car voir Logan Lucky, c’est forcément constater le plaisir qu’a eu Soderbergh à organiser les mille et un rebondissements de ce récit de braquage (signé Rebecca Blunt, dont plusieurs soupçonnent qu’il s’agit d’un autre pseudonyme choisi par l’éclectique cinéaste, en plus de ceux qu’il utilise pour le montage et la direction photo). Le bonheur visible qu’il a eu à observer ce champ de courses Nascar devenir l’objet de convoitise d’une bande de bras cassés sudistes assez hilarante : Jimmy, qui vient de perdre son emploi, son frère barman à qui il manque un bras, sa sœur, coiffeuse, un détenu pyromane et les deux frères limités de ce dernier.

Une comédie, Logan Lucky? Oui, et ouvertement en plus. Mais une comédie aux jolis accents méta, puisque Soderbergh y revisite sa propre série des Ocean, en version plouc, courses de voitures et concours de « mini-miss », tout en y citant aussi son Magic Mike (la masculinité prolétaire). Et puis une comédie qui lorgne encore ouvertement du côté des maîtres du genre « les zéros essaient d’être criminels » : les frères Coen. Car, comme chez les papas de Fargo, Logan Lucky n’hésite pas à cacher sous son intrigue palpitante un joli petit discours en forme de revanche de l’Amérique des laissés-pour-compte, des losers, des niais, pourtant jamais aussi bêtes que ceux qui ont « réussi » selon les bons vieux standards du rêve américain.
Évidemment, pour que la sauce épaississe, il fallait des acteurs prêts à tout, sans que jamais rien ne semble forcé. Accents traînants du Sud, physiques improbables, gaucherie émotive, mais professionnalisme criminel : Channing Tatum, Adam Driver, Riley Keough, Katie Holmes et surtout Daniel Craig (qui fait exploser son potentiel comique) sont absolument au rendez-vous, réussissant même à trouver cet étrange équilibre qui leur permet exagération, drôlerie et même émotion sans jamais tomber dans la caricature.
Forcément, un cinéaste vieux singe à qui l’on n’apprend plus à faire la grimace, des acteurs ravis d’être là, un récit mené sans temps mort, un humour jamais entièrement premier degré : le plaisir de Soderbergh est vite communicatif. Et au cinéma, comme dans la vie, c’est encore ce qui compte le plus.