Fleuve noir

Roman de gare

Entre film noir et roman policier, Fleuve Noir d’Erick Zonca est un polar au casting étonnant  (Cassel, Duris, Kiberlain, tous très bons) et à l’intrigue captivante. Un film construit comme un bon vieux roman de gare, de ceux qu’on oublie vite mais que, sur le moment, on dévore intensément.

Fleuve Noir est un roman de gare. Un bon vieux polar, comme ceux qu’éditent justement les éditions « Fleuve Noir », de ceux à la couverture sombre, abimée et pliée dans tous les sens, qu’on garde dans une poche de jean, de veste ou dans une poche intérieure, près du cœur. L’histoire du film ressemble à celle de ces bouquins : un enfant disparu, une enquête, des secrets enfouis, un voisin louche, des parents bizarres. Des suspects partout. Et puis, un inspecteur, un capitaine de police dans la grande lignée des privés et des bad lieutenants de l’histoire du cinéma, quelque part entre Philip Marlowe et Harvey Keitel sauce Abel Ferrara. Vincent Cassel est François Visconti, un flic alcoolique comme on n’en voit que dans les films, qui a toujours sa mignonette de vodka ou de whisky dans la poche intérieure de son imper beige trop grand, sale et démodé. François Visconti a un nom qu’on croirait sorti d’un Verneuil ou d’un vieux Sautet, et un look de détective clochard hérité du cinéma américain. Les personnages d’Erick Zonca sont exagérément typés, comme si le film signifiait par là un désir de fiction plutôt que de réalisme. Car Fleuve Noir n’a d’autre ambition que d’être un polar à l’ancienne, sans réflexion métaphysique ou intérêt au-delà de son histoire. Et comme dans une bonne série noire, son histoire est bien ficelée : les révélations arrivent à point nommé. L’intrigue n’est donc ni courue d’avance, ni incompréhensible. Mais elle se déroule parfaitement, accompagnée par une mise en scène jamais tape-à-l’œil, mais servant parfaitement le récit. Les tons sont désaturés, les costumes marqués, l’ambiance glauque. On peut trouver ça facile, mais c’est mieux écrit que ça en à l’air, ça se lit facilement et ça nous happe. Comme un bon polar, comme un roman de gare.