Climax

The Ultimate Trip

Provocant, virtuose, violent, irresponsable, éprouvant, drôle, fascinant : Climax, drame musical d’horreur, est une nouvelle étape du trip filmique de Gaspar Noé. Et c’est aussi un sacré morceau de cinéma.

Gaspar Noé a encore frappé. En s’inspirant (on l’imagine, très librement) d’un fait divers survenu en 1996, le réalisateur d’Irréversible filme en huis clos un week-end d’impro entre des danseurs qui tourne au carnage après l’absorption d’une sangria suspecte. L’introduction de Climax est un long plan sur un téléviseur, sur lequel s’affichent des interviews filmées des danseurs protagonistes du film. Le poste de télé est encadré par quelques livres et cassettes VHS qu’on a loisir d’observer : Vibroboy de Jan Kounen, une K7 dédiée au magazine “bête et méchant” Hara-KiriEraserhead de David Lynch ; mais aussi Zombie de George A. Romero ou un essai médical. Ce plan résume en partie le film et le cinéma de Gaspar Noé : potache et inventif, adolescent et profond, virtuose et irresponsable, violent et humain… On ne poursuivra pas la liste des contradictions du cinéaste le plus viscéral de sa génération, mais elles peuvent donner une idée de l’état d’esprit d’un spectateur, forcément chahuté, qui se retrouve face à Climax.

Sur un sujet qui pourrait rappeler celui-ci d’un film d’horreur de série, le réalisateur de Seul contre tous déploie – c’est une habitude – une mise en scène absolument virtuose et inscrit Climax dans une filmographie qu’on peut considérer, depuis Irréversible, comme un long trip, hommage à son film matriciel, 2001 : l’odyssée de l’espace. Et c’est peut-être l’élément le plus fascinant de son cinéma : là où des réalisateurs comme Steven Spielberg, James Cameron ou Christopher Nolan courent après le maître en signant des œuvres monumentales et dignes, Noé, en digne neveu du professeur Choron, n’hésite jamais à faire tache, en multipliant les idées politiquement incorrectes et se concentrant sur les pulsions néfastes de ses personnages. Le tout sublimé par un mise en images héritière de la virtuosité du Max Ophüls de La Ronde ou du Plaisir. Le décalage est évidemment énorme et il incommodera certains, mais on peut aussi le trouver réjouissant.