Yomeddine

Confidences de presse

Un lépreux – certes guéri, mais au visage ravagé et aux mains mutilées – prend la route dans une vieille charrette tirée par un vieil âne, en compagnie d’un petit orphelin nubien. Réussir à faire de cette histoire aux prémices si douloureuses un feel good movie, un film qui réconforte et apaise, c’est le petit miracle accompli par Yomeddine, premier long-métrage d’un jeune cinéaste égyptien, A.B. Shawky. Le titre signifie « le jour du jugement dernier ». Rien d’apocalyptique, ce jour-là, dira Shawky lors de la conférence de presse suivant la projection, tout le monde sera jugé, oui, mais tout le monde sera à nouveau l’égal de son prochain.

Cette conférence de presse fut douce et étrangement intime. Souvent, autour de la table, devant les journalistes, les photographes, les caméras de télévision, se pressent jusqu’à huit participants : réalisateur, scénaristes, comédiens, producteurs… Là,  non. Deux jeunes gens seulement, très proches l’un de l’autre. On m’avait précisé (oui, je « modérais » – néologisme américain -, les débats) de ne pas révéler que la ravissante personne au côté de A.B. était son épouse, j’avais donc présenté sobrement Dina Emam comme «  la productrice ». Mais dès la première question d’un critique égyptien : « Ce film n’a pas dû être facile à financer » , sa réponse fusa, et ce fut charmant : « Oh ! Non ! Pas facile du tout ! Nous avons fait appel au financement participatif, nous avons demandé l’aide de la famille, sacrifié nos maigres économies, mais ce n’est pas grave, puisque je ne ferai jamais de films avec quelqu’un d’autre que lui, l’homme de ma vie, mon mari ».

On apprit aussi que le projet de Yomeddine remontait à plus de sept ans, lorsque A.B Shawky, achevant ses études de cinéma à New York, à la prestigieuse université NYU, réalisa un court-métrage documentaire intitulé The Colony. Et cette colonie était une léproserie… Une nouvelle question – légitime – est alors posée : « Pourquoi les deux extraordinaires acteurs – non professionnels – ne sont-ils pas là ? ». Et la réponse révélant une incroyable absurdité provoqua un long murmure navré : « C’est très simple, nous avons obtenu des autorités de mon pays un visa pour Rady Gamal et Ahmed Abdelhafiz, un visa pour la France. Mais il y avait une escale en Suisse. Et la Suisse n’est pas dans l’espace Schengen… Malgré mes supplications et la promesse que nos deux indispensables personnages ne quitteraient pas l’enceinte de l’aéroport, ils ont été refoulés… ».