Atlantique

La jeune Mati Diop (franco-sénégalaise, première femme noire en compétition à Cannes) révèle son immense talent composite à travers cette oeuvre à l’étrange beauté. Enracinée dans une réalité géopolitique à Dakar (la jeunesse orientée vers l’exil), la réalisatrice passe par les chemins inattendus du cinéma de genre. Par le fantastique, lorsque les disparus reviennent, envoûtés ; par le film policier, lorsqu’une enquête est lancée ; et même par le cinéma experimental, avec des images contemplatives purement formelles et détachées du récit. Associée à une voix off, ces scènes ont une dimension poétique enchanteresse.

Cette fable sociale et ce film de fantômes opèrent un double mouvement, le premier est un départ, un désir d’ailleurs, le second est un retour. La dureté du réel s’accompagne d’une esthétique soignée, crépusculaire, invitant à la méditation. Ce poème est habité par des spectres, et nous met dans un état de pur envoûtement. On peut penser au Thaïlandais Apichatpong Weerasethakul dans cette manière de convoquer l’indicible.

Sombre et hantée, cette histoire est celle d’un amour heurté par le deuil, ce qui achève de nous émouvoir. Cette romance irradiant tout le film donne lieu à de magnifiques scènes où s’expriment les corps. Mati Diop parvient alors à conjuguer le politique avec le sensible, les combats sociaux avec le charnel.