Action ou Vérité

Le jeu ou la mort

Dernière production des studios Blumhouse, Action ou Vérité est une friandise de cinéma d’horreur exploitant un sujet simple mais maîtrisé : un groupe de jeunes gens prisonniers d’une partie de « jeu à boire ».

Si Action ou Vérité est réalisé par un certain Jeff Wadlow (crédité comme réalisateur pour Kick Ass 2 ou le film d’arts martiaux américains Never Back Down, notamment), c’est surtout une production signée Jason Blum. Du haut de la Blumhouse Production Company, Jason Blum est devenu maître du film d’horreur de studio américain depuis Paranormal Activity en 2009. On lui doit notamment les franchises Insidious et American Nightmare. Mais il faut aussi lui reconnaître un certain talent pour les concepts. Car après tout, peu importe l’histoire : un bon film d’horreur repose souvent sur une idée simple et originale, tenue de bout en bout, et diablement efficace. Une vidéo qui tue dans Ring, un jeu de torture pour survivre dans Saw, ou une conversation Skype piégée dans Unfriended. Dans le film de Jeff Waldow, le concept est aussi transparent que son titre : un groupe d’amis se retrouve piégé dans une partie d’action ou vérité. S’ils s’abandonnent, ils meurent. Ainsi, chacun leur tour, ils devront soit révéler un secret inavouable, ou commettre une action irréparable (et souvent horrible). Qu’importe, après, si les éléments narratifs qui tiennent le récit (des jeunes de la ville perdus dans la campagne, un vieux couvent, une malédiction sataniste) sont usés jusqu’à la corde : ils ne servent que de prétextes pour développer le concept, et ne doivent en aucun cas le contaminer. Dans Game Night par exemple, autre film au sujet similaire (des fans de jeux de sociétés sont pris au piège dans un jeu de rôle plus vrai que nature), et sorti quelques semaines à peine avant Action ou Vérité, le concept est absorbé par l’histoire et défait le film de son seul intérêt. Qu’a-t-on à faire d’une banale histoire de mafia quand c’est le concept du jeu qui nous a donné envie de voir le film ? Dans la dernière production Blumhouse, le jeu d’action ou vérité, le concept, n’est jamais oublié, et prend même une dimension machiavélique à la toute fin.

Action ou Vérité de Jeff Wadlow. Copyright Universal Pictures International France.

De jeunes gens modernes

Efficace et rythmé dans son écriture comme dans son montage, Action ou Vérité est aussi un film d’horreur résolument moderne dans son écriture. Comme Barry Seal récemment dans un genre différent, Action ou Vérité est un film populaire post-Youtube ou Facebook, fait sur mesure et avec intelligence pour des digital natives aujourd’hui bien adultes. Alors qu’Internet devient un média de plus en plus vidéo, développant une esthétique propre et particulière, certains films s’approprient cette esthétique sans pour autant sacrifier celle du cinéma traditionnel. Action ou Vérité est de ceux-là. Les personnages font des stories, ont des chaînes Youtube, communiquent par Snapchat, et loin de la bête citation, ces éléments déterminent le récit et ses personnages. Ces derniers pensent et conçoivent le monde via ces réseaux sociaux et outils de communications. Et comme le monde leur apparaît (dès le départ) par ce filtre, sa représentation dans le film en est changée. Ainsi, quand l’ « esprit maléfique » prend possession du jeu d’action ou vérité, il se manifeste par une transformation inquiétante de certains visages familiers, comme s’ils étaient passés par un filtre Snapchat. Quant au personnage principal, Olivia (Lucy Hale), pourtant pas coquette du tout, et même a priori plutôt « naturelle », il lui est insupportable que sa vie ne soit pas aussi simple et idéale que sur sa chaîne Youtube – sans qu’elle s’en rende compte consciemment. Mais le film ne propose pas pour autant de discours ou de critique de ces « nouvelles technologies », mais simplement un constat : elles font partie du monde. Aussi certainement que les vieux motels, que les forêts sombres, que les cimetières indiens et les couvents austères. Dans un film de série B. américain, on ne cherche pas le discours, mais les sensations. Et qu’y a-t-il de plus sensiblement terrifiant que le quotidien saupoudré de quelques éléments bizarres et inhabituels ? Ainsi, avec pas grand-chose sinon un concept efficace, Action ou Vérité renouvelle légèrement la vieille recette pour nous offrir – et c’est suffisamment rare dans le genre pour être souligné – un film d’horreur de série B. non pas révolutionnaire, mais plutôt moderne, contemporain.