Le Divan de Staline

Miroirs et vanités

Staline doit se reposer : dans la chambre du château qui semble droit sorti d’un conte de fées, un divan, semblable à celui de Sigmund Freud, trône. Staline, qui méprise le « charlatan » viennois, décide de jouer avec sa vieille maîtresse au « jeu de la psychanalyse » : il lui raconte ses rêves, elle en fait l’interprétation. Adapté du roman de Jean-Daniel Baltassat (publié en 2013) par Fanny Ardant, ce troisième long derrière la caméra permet à la comédienne de transformer les essais de ses précédents films : Cendres et Sang (2008) et Cadences obstinées (2013). Et d’offrir à Gérard Depardieu, son partenaire de La Femme d’à côté, un rôle à sa démesure. On sent chez elle une recherche formelle, un désir de cinéma, qui trouve ici de belles envolées : dans la façon dont elle installe un univers féerique et effrayant, où Staline fait figure de grand ogre, dans la manière dont la peur qu’il fait régner tout autour de lui s’insinue dans les mouvements coordonnés de sa garde rapprochée et de son personnel de maison, dans le lyrisme et la poésie de son regard sur les choses et les hommes. Elle dirige avec fougue ses acteurs, notamment François Chattot en factotum servile et Paul Hamy en peintre tourmenté, et fait du duo Gérard Depardieu/Emmanuelle Seigner un élégant couple de cinéma, chat et souris, prédateur et proie. Il est doux et dangereux, elle est combative et déjà vaincue. Quelque chose de l’âme russe, de la grande littérature, souffle. Ce film ambitieux joue habilement du réel et de l’imaginaire, de l’Histoire avec un grand H et du fantasme recréé avec élégance.