Kubo et l'armure magique

Les petits papiers du grand merveilleux

Le modeste studio Laïka invente une fantastique fresque en stop-motion. Un conte d’enfance initiatique, dans un Japon médiéval à la beauté d’estampes, peuplé de monstres et de fantômes de papier.

Travis Knight se vit comme un héritier des anciens passeurs d’histoire, un conteur moderne perpétuant des récits suspendus. Avec Kubo et l’armure magique, il voyage dans le passé médiéval japonais avec sa culture et sa mythologie. Quel est le présent de son récit ? On ne sait pas exactement l’époque à laquelle vit son petit héros positif adressé à notre temps, mais qu’importe. Kubo a un cœur d’éternité, des qualités sans âge, d’intelligence, de générosité, de bravoure. Il est comme le cinéma et les arts : il raconte des histoires. C’est sa vie, c’est son gagne-pain.

Accompagné de sa guitare merveilleuse, Kubo est un enfant démiurge : il joue des notes, il crée avec sa musique des mondes fantasmagoriques et des petits êtres de papier, des minuscules origamis animés, à l’étoffe de super-héros fragiles. Il les retrouvera quand un démon du passé le jettera dans une aventure épique pleine de monstres, de créatures surnaturelles et d’esprits malfaisants. Il vivra un récit initiatique au cours duquel il grandira, en quête d’un plastron impénétrable, d’une épée incassable, d’un heaume invulnérable. Il trouvera les origines de sa naissance mystérieuse, fils du plus grand samouraï de tous les temps.

Le film accomplit un fabuleux voyage visuel, sublime hommage à la culture du Pays du Soleil Levant, se souvenant de Katsushika Hokusai ou encore de Kiyoshi Saito, mais aussi de Akira Kurosawa ou Hayao Myazaki. Terres lointaines, temple des morts, jardin des yeux : chaque lieu éblouit, fabriqué par une animation virtuose faisant du beau un pur enchantement. Perfection de la perspective, dégradés de couleurs sophistiqués, jeux de clair-obscur… : le saisissement esthétique est le même qu’au cinéma raffiné de Michel Ocelot, cet autre conteur d’enfance magnifique. Quel beau travail plastique que celui accompli par les studios Laïka, dont c’est le quatrième long-métrage animé après Coraline (2009), L’Étrange Pouvoir de Norman (2012) et Les Boxtrolls (2014) !

Ce foisonnement visuel n’est pas le paravent d’un récit faible masquant ses impasses : l’histoire est simple et forte, belle, avec des personnages attachants et subtils jusque dans leur naïveté. Il y a de la finesse et de l’esprit dans ce conte initiatique classique de l’enfant forgé par une série d’épreuves, célébrant l’amour, la filiation, le courage, l’acceptation de la différence, la recherche de soi. Kubo et l’armure magique connaît les choses et les hommes, l’humain et l’animal, le naturel et le surnaturel et nous les apprend, comme il nous apprend à croire en l’émerveillement du cinéma. Avec de simples feuilles de papier, il déploie une poésie de haïku.