Elle s'en va

C’est l’histoire d’une femme qui prend le large, sans compas, ni boussole. Une amoureuse éconduite, endettée, embourbée dans un coin de Bretagne qu’elle n’a jamais quitté. Bettie a soixante ans, un restaurant, une mère avec laquelle elle vit et travaille, une fille dont elle ne s’est guère occupée, un petit-fils qu’elle ne connaît pas. Un jour soudain, en plein service, elle abandonne ses clients sans préavis, prétend s’absenter pour acheter des cigarettes, monte dans sa voiture et prend la route.

Emmanuelle Bercot filme cette échappée salutaire, comme on filme un geste incontrôlé, un mouvement vers un ailleurs, inconscient et confiant. Au cœur de son dispositif, une actrice souveraine et sublime : Catherine Deneuve. Le personnage et la comédienne se confondent : Elle s’en va est aussi le portrait d’une femme libre, audacieuse et digne. Deneuve accorde sa pleine confiance à la réalisatrice, fait preuve d’une autodérision gorgée d’humour et d’intelligence, embrasse l’hommage, se joue d’une iconographie irradiante. Elle s’amuse. Elle émeut, faire rire et sourire, trouve le parfait équilibre entre maîtrise et abandon.

Elle s’en va navigue ainsi dans des flots revigorants, sur les routes de France, sur les rives d’un lac, dans une maison de campagne. Les personnages y circulent, le poids des années et des renoncements en bandoulière, mais le menton haut et le regard vaillant. Lors d’une harmonieuse séquence, des convives attablés dans un jardin accueillent une défaite électorale. Dans le même temps, deux regards se croisent. C’est une très belle scène. Une parmi d’autres.