Une histoire de fou

Fort et ambitieux

Berlin, 1921 : Soghomon Telirian tire à bout portant sur Talaat Pacha, l’un des Jeunes-Turcs responsables des massacres de 1915 en Arménie. Procès, acquittement. Après ce beau prologue en noir et blanc (et en allemand), le film fait un bond de soixante années pour rejoindre une famille d’épiciers arméniens à Marseille en 1980. Aram (Syrus Shahidi), fils d’Anouch et Hovannes (Ariane Ascaride et Simon Abkarian), rejoint la lutte armée et, dans un attentat contre l’ambassade de Turquie à Paris, blesse une victime innocente. Anouch rendra visite à l’hôpital à Gilles (Grégoire Leprince-Ringuet) pour s’excuser au nom de son fils et de son peuple ; elle l’accueil-lera chez elle… Le scénario est librement adapté de La Bomba, livre du journaliste José Antonio Gurriaran qui, ayant sauté sur une bombe de l’Asala, a cherché à comprendre. Cette superbe fresque, qui va de l’historique à l’intime, de l’Allemagne à l’Arménie en passant  par la France et le Liban, enjambe les époques pour parler des conséquences du premier génocide du XXème siècle, de la nécessité du pardon, mais aussi de l’indispensable reconnaissance des actes commis. Au passage, d’autres enrôlements, d’autres folies de l’actualité récente résonnent en écho. Ample, didactique parfois, mais aussi attentive aux infimes détails, à la chair même qui fonde son cinéma depuis ses débuts, la mise en scène de Guédiguian restitue la tragédie humaine avec ambition et force.