Une mère

Vingt ans après Rosine, Mathilde Seigner retrouve la réalisatrice qui l’a lancée et se donne à nouveau corps et âme dans un rôle très complexe. Celui de Marie, mère célibataire vivant de petits boulots (cantinière, serveuse…) au bord de la mer du Nord et ne supportant plus Guillaume, son fils de 16 ans, violent, irrécupérable, abonné aux conneries et aux mises à pied. Christine Carrière, en trois longs-métrages pour le cinéma (Rosine, Qui plume la lune ?, Darling) et un documentaire pour la télévision (Jérôme, c’est moi) a construit une œuvre exigeante et rare, qui observe avec bienveillance, mais sans fard, les rapports humains rendus encore plus abrasifs et tendus par des vies difficiles. Si Rosine était le portrait d’une trop jeune mère adulée par sa fille et qui souhaitait surtout se trouver un mari, celui-ci en est presque le négatif, puisque Marie rejette et son fils et son ex-compagnon qui l’aime toujours. Sujet tabou, peu ou pas traité par le cinéma, le désamour maternel va ici très loin. Jusqu’au mensonge inacceptable. Intégrant des décors et paysages authentiques sans être misérables, baignant dans une douce et revigorante lumière, la mise en scène est presque celle d’un conte et allège le fond dur et effrayant du récit. Portés par trois comédiens remarquables (Seigner, Stacey Mottet Klein et Pierfrancesco Favino), les personnages se heurtent autant qu’ils se soutiennent. Chaque affrontement semble voué au clash et pourtant, quelque chose recommence toujours. Comme l’espoir fou d’une étincelle, la preuve indiscutable de la force des faibles.

Lena Absidelle