Les Premiers, les derniers

Sacré road movie

Deux mercenaires recherchent un téléphone volé et tombent sur plus féroces qu’eux, et aussi plus purs… Itinéraire d’une rédemption originale. Ça décoiffe, ça dérouille, ça désopile. Normal, c’est signé Bouli Lanners.

Quatrième long-métrage de l’acteur belge Bouli Lanners qui a promené sa carcasse chez Olivier Jahan, Kervern et Delépine, Jacques Audiard ou Albert Dupontel, Les Premiers, les derniers est un road movie déjanté, nostalgique et sublime. Pas dépaysés par rapport à Supernova, Eldorado ou Les Géants, odes généreuses et itinérantes aux exclus, aux bras cassés, on y suit les pas de deux mercenaires, Cochise et Gilou, flanqués de leur petit chien, envoyés par un truand influent à la recherche de son téléphone portable volé comportant un enregistrement compromettant.

Comme toujours, ce qui compte dans cette balade traversant des paysages (de France) magnifiques et désolés, ce sont les rencontres. Et elles sont à la hauteur, car les comédiens qui les incarnent sont tous déments. Un couple de jeunes amoureux marginaux craignant la fin du monde (Aurore Broutin, David Murgia), une mère célibataire désabusée (Suzanne Clément), un cadavre momifié sans sépulture, des tueurs à la gâchette facile (Serge Riaboukine, Lionel Abelanski), un homme (Philippe Rebbot) nommé Jésus.

Après Le Tout Nouveau Testament de Jaco Van Dormael, force est de constater que la religion catholique (détournée, évidemment) semble un sujet de prédilection chez nos amis d’Outre-Quiévrain. Ici, Bouli Lanners creuse le même sillon que dans ses films précédents, en y ajoutant un parfum d’apocalypse et de couple originel (original). Il exalte ce qu’il y a de sacré en l’homme à travers un échantillon bigarré d’humanité, un aréopage d’âmes errantes, d’égarés, de laissés-pour-compte. Il observe la naissance d’une étincelle de compassion chez des chasseurs de primes, cow-boys sans chevaux, motards sans moto, égarés hors d’un vieux film d’antan, traînant avec eux les couleurs entre noir et blanc et sépia d’un western fatigué.

Il convoque un cinéma populaire et singulier, simple et exigeant, où les grands espaces sont reliés par des ponts qui vont de n’importe où à nulle part, où la musique s’impose comme un personnage à part entière, où les visages et les corps des acteurs (Dupontel et Lanners en tête) s’épanouissent loin des formatages, où les voix sont aussi travaillées que les dialogues, sans que jamais l’on entende le soupçon d’un effort. Et où l’arrivée de deux personnages de vieillards sages, incarnés par deux acteurs emblématiques porteurs de toutes leurs incarnations sur grand écran (Michael Lonsdale et Max Von Sydow), vous réjouit en même temps qu’un frisson d’émotion vous parcourt l’échine.