Anomalisa

Blues Hotel

Étonnante aventure. On sait Charlie Kaufman copieusement inventif et barré depuis ses scénarios pour Spike Jonze, Michel Gondry, George Clooney, et sa première réalisation, Synecdoche, New York. Il s’est adjoint les services d’un pro du cinéma d’animation en volume (stop motion), Duke Johnson, pour mettre en images sa pièce éponyme, transposée à la virgule près, avec les mêmes acteurs, ici à la voix. La rencontre décalée et amoureuse dans les couloirs d’un hôtel de Cincinnati – nommé Fregoli, comme le syndrome psychiatrique -, d’un auteur marié et d’une représentante en pâtisserie, un brin dépressifs. Il y a du coup de foudre alangui sur fond de moquette dans ce huis clos. Le travail plastique et formel est fascinant, du rendu des marionnettes au décor hôtelier, de l’ouvrage méticuleux sur l’éclairage à l’univers sonore. Les coutures apparentes des visages fascinent, transcendant les troubles des personnages. Les questionnements, doutes, traumas qu’ils traversent atteignent le spectateur avec virtuosité, de la cocasserie au bouleversement. Pas besoin de chair humaine pour ressentir la moelle de la vie, les profondeurs de l’âme, de la solitude et du désir. C’est un éloge de la banalité d’une audace dingue. Primé à Venise en 2015, Anomalisa concourt à l’Oscar du film d’animation fin février.