Les Bruits de Recife

Brésil. Nordeste. Etat de Pernambouc. Recife. Quartier Boa Viagem. Sous-quartier Setubal. Une rue tranquille pas loin de la mer. Comme dans toute grande ville du pays, la sécurité prime avec ses grilles, portails, sas, interphones, caméras et gardiens. Familles, couples et célibataires de la classe moyenne y cohabitent en apparente harmonie. Mais les chiens aboient même la nuit, les jalousies éclatent en un éclair et les autorités vacillent en un regard. Le chaos menace l’ordre établi. Dans ce premier long-métrage, ballet de corps et de béton, Kleber Mendonça Filho capte avec subtilité cet équilibre atypique. Il dresse un état des lieux fascinant de l’ultra-urbanisation brésilienne et de son accouplement houleux avec sa mémoire. Celle de l’esclavage et du clivage social, où les femmes de ménage résistent, mi-complices mi-soumises, où les gardiens rassurent les habitants mais ne récoltent que la poussière, et où les agents de sécurité filtrent les rancœurs ancestrales. Les Bruits de Recife diffuse cette fureur rentrée et ces cris, au son de rumeurs organiques et d’échos mécaniques d’une bande sonore captivante. Il transpire aussi par ces corps qui guettent, observent et se cachent pour fumer ou baiser. Architecte filmique, Mendonça nourrit son scope des lignes graphiques de son propre quartier, et transcende sa réalité en un instantané troublant d’une humanité tiraillée entre sa quête d’épanouissement aseptisé et ses démons intérieurs. Frappant de maîtrise et d’acuité.