Cannes 2018 : J’aime l’odeur de la Palme dans le petit matin…

Quand les hauts et les bas du Festival de Cannes retombent, ça donne des montagnes russes émotionnelles en dessous du niveau de la mer. Souvenirs flottants d’images et de sons, de sensations et d’envolées. Mosaïque d’instants rémanents, poésie du choc et de l’entrechoc, comme un inventaire à la Prévert.

Le sourire de Cate Blanchett, sublime et rayonnante Présidente du jury.

Un jeune garçon décidé à devenir fille et danseuse étoile plie son corps à tous les supplices, il tourne, tourne, tourne en justaucorps, encore et encore et sa certitude nous chavire et nous emporte.

Girl de Lukas Dhont. Copyright Diaphana Distribution.

Des photos de Marilyn Monroe se répondent d’un documentaire sur Jane Fonda à un court métrage de l’Adami, du film de Jean-Luc Godard au délicieux collier kitsch accroché au cou d’une monteuse de marches. Et puis, soudain, elle s’anime, fausse Marilyn nageant nue dans la piscine : scène mythique de son dernier film inachevé Something’s Got to Give, recréée par David Robert Mitchell dans Under the Silver Lake. Et pendant ce temps-là, sur le tapis rouge, Cate Blanchett est présidentielle… Une petite bonne femme entre dans une salle emplie d’hommes et leur inflige, en guise de salut, un coup de poing dans le dos. A tous, sauf un. Elle s’assied à côté de l’épargné, approche la bouche de son cou et le… mord !

Zhao Tao dans Les Eternels de Jia Zhang-ke. Copyright Ad Vitam.

Quatre-vingt deux actrices, réalisatrices, techniciennes, scénaristes, ou productrices montent les marches rouges et posent pour l’éternité. Elles représentent les statistiques établies par le comité 50/50 2020 : en 71 éditions, le Festival de Cannes a invité en compétition 82 films réalisés par des femmes. Le discours est assuré en français par Agnès Varda, et en anglais par Cate Blanchett, souveraines… Au Cinéma de la Plage, Le Grand Bal, premier long métrage documentaire de Laetitia Carton se termine, et comme par magie fait sortir ses personnages de l’écran. C’est La Rose pourpre du Caire à l’envers, ils se mettent à danser sur le sable et entrainent les spectateurs moins aguéris dans leurs traces…

Quand le jour se lève sur la Croisette le 20 mai, HiroKazu Kore-eda a reçu, la veille, la Palme d’Or pour Une affaire de famille, film bonheur qui dit la beauté des liens choisis, et nous montre les justes là où ils sont, dans l’ordinaire et le quotidien d’une vie passée à se battre, à tricher peut-être, à voler souvent, à aimer toujours.

Une affaire de famille de Kore-eda. Copyright Le Pacte.