History of Sound de Oliver Hermanus

Polycritique de film

History of Sound de Oliver Hermanus en compétition à Cannes 2025, a divisé notre bande.
Lisez notre Polycritique à son sujet.

Il y a quelque chose de doux et d’apaisant à suivre le récit de cet amour entre deux hommes dotés d’une hypersensibilité et d’une oreille absolue. Dès la magnifique séquence de leur rencontre dans un piano-bar, on croit ferme à la force du lien qui unit ces deux étudiants en musicologie dans la Nouvelle Angleterre du début du XXe siècle. Cela tient à la grande justesse du jeu des comédiens, Paul Mescal et Josh O’Connor (présent aussi en compétition dans The Mastermind de Kelly Reichardt), à la sobriété de l’image aux teintes bistres et mordorées, aux lumières tamisées, à l’élégance du montage et aux voix a cappella qui scandent le parcours de ces deux hommes partis dans des contrées reculées enregistrer des chansons populaires sur des cylindres en cire. Le réalisateur sud-africain Oliver Hermanus pose sur eux un regard d’une grande tendresse et ménage des espaces de résonance dans sa narration, où l’émotion peut se déployer, notamment dans la première partie. La seconde s’étire un peu et convainc moins, mais l’ensemble forme un film sobre, émouvant et profond, où se racontent la puissance des amours véritables et la beauté des passions partagées.

 

Anne-Claire Cieutat

 

The History of Sound d’Oliver Hermanus est une histoire de coup de foudre entre deux hommes, David (Josh O’Connor) et Lionel (Paul Mescal), dont la rencontre paraît aussi évidente que hasardeuse au Conservatoire de musique de Boston. Ils sont vite unis au lit après la découverte de leur passion commune pour les chants folk. Le spectateur sait d’emblée beaucoup de choses de l’un (Paul Mescal, le narrateur), ses origines de campagnard dans le Kentucky, son oreille absolue, son tiraillement permanent entre sa terre native, sa mère devenue veuve et ses dons musicaux l’appelant ailleurs. L’autre est plus mystérieux : élégant, plus revêche et secret, David exerce une forme d’emprise magnétique sur Lionel. Le postulat de départ, séduisant et parfaitement incarné par les acteurs, voit naître contre toute attente quelques poncifs dans le cadre d’un développement classique et assez convenu : dans une soif d’absolu, les deux amants partent faire du camping en pleine nature, consommant librement leur amour et enregistrant des chansons d’autochtones. Quelques failles apparaissent alors dans leur couple, Lionel reprise les chaussettes de David en guise de déclaration silencieuse. Puis, l’inévitable temps de la séparation et de la dépendance affective survient. Le spectateur est alors en terrain connu, les ferments de Brokeback Mountain ou de Call Me by Your Name remontent à la surface pour une recette, semble-t-il, obligatoire. La suite est un peu à l’avenant jusqu’au bout, sans grande originalité certes, mais libérant suffisamment d’émotion pour tirer des larmes aux cœurs sensibles (et sur la musique de Joy Division cette fois, merci !). Pas de quoi bouder son plaisir ainsi, d’autant qu’Universal, producteur du film, se ralliant à la cause des amours minoritaires, est plutôt une bonne nouvelle.

 

Olivier Bombarda

 

History of Sound avait tout pour être une fresque romantique et musicologique marquante, portée par le talent de Paul Mescal et Josh O’Connor. Un casting de rêve, une histoire d’amour queer sur fond de quête de chants folkloriques au début du XXe siècle… Sur le papier, le potentiel était immense. Malheureusement, le film déçoit, engoncé dans un académisme indigne d’une œuvre en compétition à Cannes. On a l’impression d’assister à un film qui ne parvient jamais à s’élever au-delà d’un didactisme étouffant, où tout est répété pour s’assurer de notre compréhension, par l’image, la voix off, les dialogues, et une musique d’orchestre en surplomb. Un documentaire aurait sans doute été plus appréciable sur le sujet. Le cinéaste échoue à insuffler par la fiction le moindre mystère, la moindre soif de découverte. La mise en scène est excessivement polie, trop appliquée. Alors que le film évoque la musique folklorique et les sons bruts, tout est aseptisé, lissé à l’écran, comme si le film craignait d’adapter son traitement à cette quête auditive des ancêtres. Le récit est d’une littéralité déconcertante, ne ménageant aucune zone de non-dits et ne faisant exister aucun des fantômes qui hantent les chansons retrouvées. Le film est cruellement dépourvu d’âme. Par ailleurs, la romance entre David et Lionel, censée composer le cœur du film, couve sans jamais s’embraser et cède la place au sentimentalisme. L’alchimie entre Mescal et O’Connor, pourtant deux acteurs d’une grande sensibilité, ne prend jamais. Tout semble appuyé et prévisible. Les comparaisons inévitables avec Le Secret de Brokeback Mountain ne jouent clairement pas en sa faveur. Finalement, l’histoire de ces collecteurs de sons, la préservation d’un héritage musical, la synesthésie de Lionel… Autant de pistes passionnantes hélas gâchées par l’absence d’un regard, le film passant d’un thème à l’autre sans jamais s’attarder suffisamment pour en extraire la substantifique moelle.

 

Benoit Basirico