Abolition de la peine de mort

Des films militants

En France, la peine de mort a été abolie sous François Mitterrand le 18 septembre 1981. Aujourd’hui, dans le monde, 54 États doivent encore le rayer de leur constitution… Le cinéma a toujours regardé de près ce principe fondateur barbare de toutes les sociétés. Passage en revue (non exhaustif) des films militants qui comptent pour l’équipe de BANDE À PART.

M le maudit de Fritz Lang (1931)

 

La célébration des 90 ans de M le maudit de Fritz Lang, véritable chef-d’œuvre du cinéma, permet de constater à quel point son discours sur la peine de mort est résolument moderne. Le spectateur suit avec angoisse les méfaits d’Hans Beckert – interprété par l’impressionnant Peter Lorre -, psychopathe aux yeux ronds, tueur d’enfants dans une grande ville allemande des années 1930. Le film développe une esthétique expressionniste dans la pure tradition du genre, ses ombres, ses angles et ses lumières inquiétantes, qui indiquent la condamnation sans appel des abominations de son anti-héros. Fritz Lang use du montage alterné pour accentuer le drame : d’un côté les meurtres, toujours suggérés ; de l’autre, les mères dans l’attente, en plein désarroi, tandis que la population sombre pas à pas dans la suspicion. Le récit vise ainsi l’empathie du spectateur avec cette foule désorientée, obnubilée à traquer l’assassin. La tension progresse jusqu’à attiser un puissant besoin de vengeance lorsque l’assassin est enfin capturé et présenté, à dessein, sous l’apparence révoltante d’un pleutre libidineux. À ce désir instinctif de châtiment, Fritz Lang oppose alors la description de l’état pathologique d’Hans Beckert à travers une scène d’anthologie : Peter Lorre, acculé par la haine de la population, est en proie à une crise, ses symptômes affluent, monstrueux et irrépressibles, l’enfermant dans sa condition pitoyable de meurtrier. La démonstration est ainsi faite que le tueur, victime de sa folie, est un grand malade. L’argument est repris dans le plaidoyer anti-peine de mort de l’unique personnage qui le défend, sorte d’avocat improvisé, avant que Lang ne conclue, sur le verdict de la justice, son ensorcelante balade dans l’effroi de la psychologie humaine

 

Olivier Bombarda

Le Schpountz de Marcel Pagnol (1938)

 

« Tout condamné à mort aura la tête tranchée. » C’est une litanie glaçante, surprenante, dérangeante. Et drôle aussi. Un moment suspendu dans une comédie sur un benêt de province rêvant de devenir acteur et se faisant piéger par une équipe parisienne de cinéma, une bande de snobs riant de sa crédulité. On dit souvent qu’un bon acteur pourrait lire le bottin. Voulant passer des essais, Irénée (Fernandel), commis d’épicerie qui ne rêve que de beaux textes, plutôt que de dire un poème au risque que celui-ci soit bon et « n’apporte aucun mérite au récitant », déclame sur tous les tons cet article du « code civil » (sic, en réalité l’article 12 du code pénal). « Le plus court et le plus net, je dirais presque le plus tranchant », précise-t-il. Cette tirade du nez réinventée, cette phrase lapidaire dite sur le mode de la crainte, de la pitié, sur un ton interrogatif, affirmatif, pensif puis comique, ne dit rien ni pour ni contre son contenu terrible. Mais de l’entendre ainsi, dans un film populaire, au lieu de la banaliser, lui donne une résonance particulière. Marcel Pagnol n’était pas un progressiste en politique, loin s’en faut — on se souvient du discours de Pétain dans La Fille du puisatier —, mais à sa manière un humaniste. Et c’est d’injustice qu’il est question dans Le Schpountz, de jugement a priori, d’idée toute faite. Et d’y réfléchir à deux fois avant de « condamner » un naïf, un pur, bref, un innocent.

 

Isabelle Danel

Monsieur Verdoux de Charles Chaplin (1947)

 

L’affaire Landru, célèbre tueur en série français du début du XXe siècle, inspire à Orson Welles l’idée d’un film avec Charlie Chaplin dans le rôle du meurtrier. Or Chaplin n’a jamais accepté d’être dirigé par un autre metteur en scène, même Orson Welles, coqueluche d’Hollywood après son coup de maître Citizen Kane. Chaplin lui versera la somme de cinq mille dollars et fera apparaître au générique la mention : “Inspiré d’une idée d’Orson Welles.”

Henri Verdoux, comme Henri Landru, est un marchand de meubles doublé d’un époux protecteur pour sa femme handicapée et leur fils. Victime de la crise de 1929, il devient un assassin méthodique tuant de riches veuves. Verdoux finit par être pris.

Comment défendre un homme que tout accuse ? Chaplin débute le tournage de son septième long-métrage au cours de l’été 1946. La Seconde Guerre mondiale et le massacre des Juifs d’Europe ont considérablement changé l’ordre politique du monde. Le cinéma parlant a toujours reflété chez lui l’expression de la domination de l’homme par l’homme, des Temps modernes (1936) au Dictateur (1940) Face à la justice, accusatrice, et l’Église, compatissante, Chaplin s’exprime par la voix de Verdoux. Comment une société qui a perpétré un crime contre l’humanité peut condamner un homme pour des crimes isolés ?  Landru a tué onze personnes durant la Grande Guerre, qui fit plus d’un million trois cent mille morts en France. La Seconde Guerre mondiale fut le temps de la destruction humaine à grande échelle.

La société capitaliste élimine sans effort, dans l’anonymat, où pertes et profits sont quantifiables. Verdoux pousse cette logique à son extrême : tuer est un labeur pour subvenir aux besoins de sa famille. Comment légitimer la peine de mort pour un criminel agissant de la même manière qu’un gouvernement ? Le syllogisme philosophique de Verdoux nous incite à saisir l’inefficacité de ce système fondé sur la vengeance – tuer pour réparer une injustice -, alors que nous assistons à un virage dangereux du populisme n’épargnant aucune démocratie.

 

Nadia Meflah

Nous sommes tous des assassins d’André Cayatte (1952)

 

Avocat de formation, André Cayatte, outré par l’injustice dont avait été victime Guillaume Seznec, meurtrier présumé de l’homme d’affaires et conseiller général du Finistère Pierre Quéméneur en 1924, en tira un scénario, mais ne parvint pas à le faire produire. C’est grâce au succès, en 1949, de ses Amants de Vérone qu’il put aborder un genre qui lui tenait à cœur : le film judiciaire. Le premier opus, Justice est faite (1950), remettait en question l’impartialité des jurés d’assises et remporta le Grand Prix International à Venise et l’Ours d’or à Berlin. Il récidiva avec Nous sommes tous des assassins au sujet beaucoup plus audacieux : la remise en question de la peine capitale à une époque où la majorité de la population française lui était favorable, en particulier en cette année 1952 où l’affaire Dominici défrayait la chronique (un fermier était accusé sans preuve réelle du meurtre d’une famille anglaise).

Coécrit avec Charles Spaak, le film faisait cohabiter quatre condamnés à mort, tous des cas réels dont Cayatte avait changé les noms. L’un était un jeune dévoyé, René Le Guen (Marcel Mouloudji), ancien résistant sans vocation patriotique, qui, sous l’emprise de l’alcool, avait tué son chef de réseau, puis des représentants de l’ordre. Comme compagnon, il avait un médecin (Antoine Balpêtré), accusé d’avoir assassiné sa femme pour vivre auprès d’une maîtresse, dont il avait toujours nié l’existence. Auxquels s’ajoutaient un Corse (Raymond Pellegrin), victime d’une vendetta, et un père de famille très primitif (Julien Verdier), qui avait tué sa fillette, ne supportant plus ses cris et ses pleurs. Afin de garantir la crédibilité de son propos, Cayatte les avait fait évoluer, enchaînés et menottés, dans des cellules reconstituées en studio, composées de trois murs en ciment. Un réalisme accentué par l’insupportable rituel pratiqué le matin des exécutions, à savoir l’arrivée surprise des gardiens, les chaussures à la main, le découpage du col des chemises des condamnés… Le film reçut le Prix spécial du jury au Festival de Cannes et attira trois millions de spectateurs.

Si Julien Demay, qui servit de modèle pour Le Guen, fut bien acquitté par le président Vincent Auriol, en revanche le film ne fit pas réagir la magistrature. Il faudra attendre trente ans pour que Robert Badinter réussisse à convaincre les Français que la peine capitale avait toujours fait d’eux des assassins. Quant à André Cayatte, il ne parvint jamais à faire réhabiliter Guillaume Seznec.

 

Michel Cieutat

12 Hommes en colère de Sidney Lumet (1957) 

 

Un jury se retrouve pour délibérer à huis clos du sort d’un jeune garçon de 18 ans, accusé du meurtre de son père. Les preuves sont accablantes. Si le jury devait le déclarer coupable, à l’unanimité et sans « doute raisonnable », c’est la chaise électrique. Le jury numéro 8, incarné par le très droit, très calme et très honnête Henry Fonda, insiste pour « parler, juste parler, avant de décider de la mort d’un enfant ». Par une chaleur écrasante, chacun tente de convaincre ce juré récalcitrant que son doute n’a rien de raisonnable. Entre ces douze hommes civilisés, sérieux et a priori de bonne foi, la tension monte.

Dès son premier film, Sidney Lumet aborde donc la psychologie (masculine) avec une acuité foudroyante. Dans cette petite pièce mal ventilée, les enjeux personnels et l’ego prennent le pas sur l’objectivité. Le vrai sujet du film, c’est celui de la subjectivité et de la faillibilité humaines, et son immense réussite réside autant dans le jeu époustouflant des acteurs que dans sa photographie. Le choix de Boris Kaufman ne tient sans doute pas qu’à ses formidables compétences artistiques et techniques. Le directeur de la photographie a en effet combattu les nazis, au sein de l’Armée française. Homme d’honneur, sensible aux émotions, Kaufman alterne plans larges et cadres serrés. Ce sont ces gros plans sur les visages, en mettant en exergue les contradictions, la confusion et l’incompréhension des protagonistes, qui structurent le récit. La lumière, elle, illustre parfaitement le combat et les zones d’ombres de chacun.

Terriblement actuel, terriblement cruel, terriblement humain, ce premier film de Sidney Lumet est à juste titre considéré comme l’un des chefs-d’œuvre du cinéma. Il souligne, dès 1957, toutes les problématiques que la peine de mort soulève depuis des décennies.

 

Mary-Noelle Dana

De sang froid de Richard Brooks (1967)

 

En 1959, deux repris de justice assassinent froidement une famille de fermiers du Kansas pour un butin dérisoire. L’écrivain Truman Capote s’empare du fait divers et en tire, au bout de plusieurs années d’exploration, son fameux ouvrage De sang froid paru en 1966, après que l’exécution des coupables a apporté un point final à son récit. Un an plus tard, Richard Brooks transpose l’histoire au cinéma, dans un film se voulant tout aussi soucieux de véracité que le livre. Les lieux de tournage sont ceux-là même du crime ; certains protagonistes (jurés, bourreau) rejouent leur rôle ; les acteurs principaux ont été choisis pour leur ressemblance physique avec leur modèle… Et voilà l’absurde drame une nouvelle fois déroulé, dans un somptueux noir et blanc, au rythme des errances des deux antihéros, paumés, inexcusables, mais humains. Au final, pas de surprise, le quadruple meurtre de sang-froid sera sanctionné, avec encore plus de sang-froid, par la peine capitale. Ce qui donne lieu à un échange tragi-comique entre un journaliste et l’un des condamnés : « Ne me dites pas que vous êtes pour la peine de mort ?! » – « Et comment ! C’est une vengeance et j’ai passé ma vie à me venger. Bien sûr que je suis pour. Tant que ce n’est pas à moi qu’on l’applique… ». Richard Brooks, lui, clairement ne partage pas cette adhésion à la loi du talion. En atteste son traitement de la double exécution, où se mêlent le trivial, le pathétique et la glaçante logique judiciaire.

 

Jenny Ulrich

Une affaire de femmes de Claude Chabrol (1988)

 

Dans Une affaire de femmes, Claude Chabrol se révèle fidèle à l’Histoire et à ses mœurs en filmant la décapitation d’une avorteuse comme étant un spectacle public dont se repaissent les honnêtes gens. En montrant pour dernière image non pas le sang qui gicle, mais la lame qui tombe, le cinéaste réhabilite avec élégance la dignité humaine de la condamnée.

Mais si le long-métrage, adapté de l’histoire vraie de Marie-Louise Giraud, l’une des dernières femmes guillotinées en France, impressionne autant, c’est qu’il ne plaide pour aucune cause : Une affaire de femmes déploie un récit qui ne se positionne ni en faveur de la peine de mort ni pour son abolition, pas davantage pour ou contre l’avortement. Pour le réalisateur, il s’agit plutôt de creuser un sillon au long duquel il excelle : dessiner le portrait factuel d’une société en proie au cynisme et aux injustices écrasantes. En 1941, sous le régime de Vichy, les femmes ne voulant pas d’enfant font partie de ces êtres malmenés par le système. Enceintes, elles multiplient des techniques d’avortement illégales et dangereuses pour leur santé. Durant deux années, Marie Latour (Isabelle Huppert, tout en sobriété) les accompagne dans leur geste. Sans qu’elle s’en doute, cela lui coûtera la vie.

Selon elle, nul crime n’a été commis. Elle ne rend qu’un service. Mais aux yeux de l’État, il en est autrement. Madame Latour découvre alors la violence de la justice des hommes et désavoue celle attribuée à Dieu, invectivant Marie « pleine de merde ». En somme, Une affaire de femmes dévoile toute la difficulté à condamner à mort, de la prise de décision aux conséquences de l’acte. Si l’existence s’arrête pour le défunt, l’avenir continue pour les vivants. Par une ultime inscription à l’écran, le film appelle à compatir à leur chagrin : « Ayez pitié des enfants des condamnés ».

 

Hélène Robert

La Dernière Marche de Tim Robbins (1996)

 

Dead Man Walking, le titre original de La Dernière Marche, évoque la phrase lancée par les gardiens des prisons américaines lorsque le condamné à mort se dirige vers la cabine en verre où il recevra l’injection létale. C’est le titre choisi par sœur Helen Prejean pour son livre autobiographique racontant comment elle a accompagné Matthew Poncelet dans une prison de Louisiane. Accusé de kidnapping de deux adolescents, du viol de la jeune fille de 17 ans, sauvagement poignardée puis exécutée, comme son compagnon du même âge, de deux balles dans la tête, Matthew Poncelet a commis ces atrocités avec le dénommé Carl Vitello, qui, lui, est condamné à perpétuité. Lorsque sœur Helen rencontre Matthew, celui-ci est dans le couloir de la mort depuis six ans ; il clame son innocence et lui a écrit afin qu’elle l’aide à trouver un avocat.

En adaptant cette histoire vraie, Tim Robbins signe un grand film droit contre la peine de mort. Il observe avec minutie le chemin de la religieuse, son rapport au tueur (raciste, révisionniste, arrogant, et coupable de ce dont on l’accuse), à la mère de celui-ci (se posant sans cesse la question de savoir ce qu’elle a « mal fait »), aux familles des deux victimes réclamant vengeance, et à l’opinion publique : les manifestants, certains que tuer un « monstre » est un droit et un devoir, les membres de sa congrégation l’accompagnant dans sa démarche, sa propre famille qui s’effraie de son trop grand cœur…

La foi, la peur, le chagrin, le deuil, la colère, la compassion, tous les sentiments contradictoires et complexes traversant les personnages affleurent dans des scènes puissantes. Et sur les visages des acteurs tous saisissants, dominés par Susan Sarandon en femme humaniste bouleversée par tant de questions face à Sean Penn, méphistophélique interlocuteur aux yeux bleus perçants. Jusqu’au bout du bout, elle soutiendra ce regard. Portant comme en étendard l’idée que « tout individu vaut mieux que son pire geste. »

 

Isabelle Danel

Into the Abyss de Werner Herzog (2011)

 

Quand Werner Herzog rencontre Michael Perry, dans le couloir de la mort de la prison de Conroe, Texas, ce dernier n’a plus que huit jours à vivre. Le jeune homme sera exécuté par injection le 1er juillet 2010, à l’âge de 28 ans. Le cinéaste allemand est un fervent opposant à la peine de mort. Dans Into the Abyss (2011), qui, comme tous ses documentaires, revendique sa subjectivité, il laisse entendre chacune des questions posées à ses interlocuteurs et donne son point de vue. Pourtant, Into the Abyss n’est pas un film ouvertement militant, et Herzog ne cherche pas à démontrer en quoi l’exécution est contraire aux valeurs d’une démocratie. Pour l’Allemand humaniste, c’est une évidence indiscutable : en aucun cas, le meurtre ne peut être légitimé. Plutôt qu’une démonstration édifiante, son film ressemble davantage à une enquête policière à la manière du chef-d’œuvre de Truman Capote, De sang-froid. Les circonstances du triple meurtre, violent, inexcusable, sont détaillées, témoins à l’appui. En retraçant pas à pas l’histoire, tragiquement banale, de deux jeunes hommes et d’une mère de famille sans histoire, assassinés dans un quartier chic pour une voiture de sport, le réalisateur ne cherche ni à « psychologiser » ni à comprendre les raisons profondes de ce crime horrible. Puisque appliquer ce raisonnement, ce serait chercher des excuses, et légitimer la peine de mort en cas de crime « inexcusable ». Herzog ne fait que montrer le processus dans son ensemble et la violence arbitraire des deux côtés : Perry avait un complice, tout aussi coupable que lui. Mais le jury l’a décidé ainsi : lui, vivra – à perpétuité dans une prison de haute sécurité – et Perry mourra. La peine de mort est encore légale dans vingt-sept des cinquante États américains. Into the Abyss est le témoignage de cette aberration dans une démocratie moderne.

 

Pierre Charpilloz

Just Mercy (La Voie de la justice de Destin Daniel Cretton (2019)

 

Les prisons nord-américaines renferment en moyenne cinq fois plus de Noirs que de Blancs. Dix fois plus, dans cinq de ces États. L’un des dernières productions sur le sujet, La Voie de la justice s’avère un film puissant, qui transporte tant par son sujet que par ses interprètes. Michael B. Jordan y incarne Bryan Stevenson, alors fraîchement émoulu de Harvard. Nouveau venu à Montgomery, Alabama, il se heurte rapidement à la méfiance des gens du coin, parmi lesquels les notables. Normal : il est là pour représenter légalement les inculpés qui n’auraient pas les moyens de prendre un avocat, et ceux que la justice aurait déjà condamnés à mort. Lors de sa première série d’entretiens menés en prison, Walter McMillian attire son attention. Tout, dans son dossier, atteste de son innocence. Accusé d’avoir tué une jeune femme de 18 ans, il est l’un « des enfants de chœur dans le couloir de la mort », où il attend depuis six ans. Il est Noir. La victime, Blanche.

La réalisation, très classique, laisse toute la place au scénario coécrit par Bryan Stevenson lui-même, à partir de son livre éponyme. L’histoire, rigoureusement vraie, réunit tous les éléments cruciaux d’un grand récit dramatique. Le dernier tiers du film saisit aux tripes. L’État d’Alabama esttoujours aujourd’hui, connu pour son racisme rampant et décomplexé. La Voie de la justice parvient à illustrer brillamment le silence assourdissant qui fait écho aux milliers d’incarcérations de Noirs accusés injustement, en Alabama et ailleurs aux États-Unis. On retiendra qu’il existe bel et bien des individus capables du meilleur comme du pire. Que pour l’instant, une personne, sur neuf exécutées aux États-Unis, a pu être innocentée par la suite. Et qu’il est grand temps de mettre fin à l’oppression historique, systémique et systématique à l’œuvre dans le pays. C’est le combat, depuis plusieurs décennies, de Stevenson, de son associée Eva Ansley, et plus bruyamment, plus largement encore en ce moment, des Noirs et de leurs alliés.

 

Mary-Noelle Dana