The Father

L’Homme dans le labyrinthe

À Londres, une femme tente de s’occuper de son père, qui perd peu à peu contact avec la réalité. Florian Zeller impressionne avec un premier film subtil, tenu de bout en bout et remarquablement interprété.

Anthony, un octogénaire qui semble aussi perdu dans l’espace que dans le temps, entretient des rapports de plus en plus confus avec sa fille, son entourage et les personnes chargées de veiller sur sa santé. Adaptant lui-même son grand succès théâtral, Florian Zeller signe un premier film (récompensé de deux Oscars : meilleur scénario adapté et meilleur acteur) étonnant à plus d’un titre. Il surprend déjà les cinéphiles, son œuvre ayant été jusqu’ici plutôt mal traitée à l’écran (du pire au médiocre : Amoureux de ma femme, Une heure de tranquillité, Floride). Tout comme son interprète principal redonne espoir à ceux qui regardaient la dernière partie de sa filmographie (constituée en grande partie de blockbusters ineptes et d’inédits vidéo indigents) avec un dédain grandissant, la rencontre entre les deux hommes (voulue par Zeller, qui n’envisageait qu’Hopkins pour le rôle) produit un électrochoc bienvenu.

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Florian Zeller se sort brillamment de l’exercice pour le moins périlleux en ne cherchant jamais à « faire cinéma » pour en prouver la valeur ajoutée. L’auteur utilise à merveille le huis clos qu’il s’est lui-même imposé, mêlant subtilement les effets théâtraux et cinématographiques pour nous faire ressentir la profonde désorientation dont est victime son personnage principal. La convention du changement de décor transforme progressivement l’appartement en un labyrinthe mental, qui devient un piège pour Anthony comme pour le spectateur, par la grâce d’un montage très subtil.

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Les comédiens intègrent avec une remarquable aisance un univers déjà exploré de nombreuses fois sur les planches. Olivia Colman est très émouvante en fille désarçonnée par la dégradation de l’état de son père ; et, dans un rôle plus bref, Rufus Sewell embrasse en peu de scènes les différentes facettes prêtées à son personnage très ambigu. Et, bien sûr, il y a le maestro Anthony Hopkins (oscarisé à juste titre), qui, d’une seconde à l’autre, passe de la colère aux larmes, se montre venimeux, puis, soudain, démuni comme un enfant. La partition qu’il joue impressionne sans jamais écraser le film ou les autres comédiens. Elle sert à merveille le travail de Florian Zeller, qui prend un plaisir manifeste à capter, dans de longs plans, les moindres nuances exprimées par le comédien.