Exposition L’Intervalle de résonance de Clément Cogitore

La force de l’invisible

Un peu plus d’un an après la présentation à la Semaine de la Critique à Cannes de son premier long-métrage Ni le ciel ni la terre, puis sa sortie en salles en septembre dernier avec un beau succès critique, et une vraie reconnaissance, doté du Prix du meilleur premier film français du Syndicat Français de la Critique de Cinéma, et une nomination au César du meilleur premier film et au Prix Louis-Delluc du premier film, Clément Cogitore revient sur le devant de la scène.

Cette fois comme artiste plasticien, puisqu’il a plusieurs cordes à son arc, depuis son passage à l’École supérieure des arts décoratifs de Strasbourg et au Fresnoy à Tourcoing. Le Palais de Tokyo parisien l’accueille pour la seconde fois, suite à la présentation de son module vidéo Un archipel en 2011. Avec L’Intervalle de résonance, il creuse le sillon de son travail sur l’invisible et sur la frontière. Le titre lui-même, emprunté au théoricien des médias canadien Marshall McLuhan (1911-1980), annonce la couleur. Il est tiré de sa phrase « Une frontière n’est pas une connexion, mais un intervalle de résonance ».

 

Exposition L'Intervalle de résonance. Clément Cogitore

 

Cet espace de l’intervalle, cet entre-deux, reste le champ de prédilection de Clément Cogitore. Un grand espace en sous-sol accueille son installation vidéo sur un grand écran de cinéma. C’est une enquête sur l’aurore boréale, phénomène lumineux provoqué par l’interaction entre des particules de soleil, transportées par le vent solaire, et la haute atmosphère, et visibles dans les régions proches des pôles. Une puissante lumière verte jaillit. Certains y entendent même un son. Des croyances indiennes y voient la manifestation des morts accueillant les nouveaux arrivants. Le film associe des prises de vues filmées par l’auteur, des photos, des images de la Nasa, et un riche travail sonore, avec des témoignages rejoués, des évocations, et une musique entêtante signée des compositeurs italiens Francesco Filideiet Lorenzo Bianchi Hoesch, tous deux nés en 1973.

 

Exposition L'Intervalle de résonance. Clément Cogitore

 

Le public prend place devant la grande toile, sur un sol brillant de cire. Debout, assis, ou allongé sur de grands poufs « fatboy ». Il fait ainsi corps avec un double niveau : l’image elle-même, et son reflet. Un reflet dans lequel chacun et chacune est physiquement impliqué, et peut se voir. La frontière, encore une fois, est poreuse, et tient plutôt du couloir mystérieux entre l’ici et l’ailleurs. Voir ou ne pas voir. Entendre on ne pas entendre. Croire ou ne pas croire. Il faut se laisser aller, lâcher prise, accepter l’inconnu, l’imprévu, l’impensable, l’impossible. Ces mêmes lignes qui portent et nourrissent Ni le ciel ni la terre, dans les collines mystérieuses et mystiques du Wakhan en Afghanistan. Où les soldats français perdaient la tête et leurs repères cartésiens.

 

Exposition L'Intervalle de résonance. Clément Cogitore

 

Ces mêmes obsessions qui portent les courts-métrages et vidéos du cinéaste, réunis dans le Dvd tout neuf Hypothesis. Une compilation éclairante sur l’univers et la production déjà conséquente du trentenaire, actuellement en écriture de son second long-métrage. On y plonge dans des explorations qui tiennent à la fois du reportage et de l’immersion sensorielle. La mystérieuse crise de folie en sous-marin d’un gradé britannique (Un archipel). L’appartement moscovite d’un incroyable couple de vieux collectionneurs (Bielutine). La juxtaposition stroboscopique d’images de la police et de manifestants durant la seconde révolution égyptienne (Tahrir). L’alliance du scientifique et du magique dans la quête d’un groupe de recherche, entre forêts, ruines, écrans de contrôle et catacombes (Sans titre). L’intense communion du public en attente du spectacle dans une salle de concert (Élégies).

 

Exposition L'Intervalle de résonance. Clément Cogitore

 

L’Intervalle de résonance
// Exposition du 13 juillet au 11 septembre 2016
au Palais de Tokyo à Paris

www.palaistokyo.com