BIFFF 2016 : ça bave, c’est beau

(à Bruxelles du 29 mars au 10 avril)

Ouf, les affligeants terroristes n’ont pas eu le dernier mot. La 34ème édition du Brussel International Fantastic Film Festival (BIFFF) a bien eu lieu, replaçant l’horreur à sa seule juste place : dans l’univers, ici cinématographique, des raconteurs d’histoires et artistes.

Films d’horreur, films fantastiques ou thrillers : au BIFFF le cinéma de genre est toujours à la fête. Pressée d’y goûter, j’étais là dès le lendemain de l’ouverture pour ma traditionnelle petite excursion (3 jours) en ces excitants territoires cinématographiques. Arrivée juste à temps pour assister à la projection de The Shamer’s Daughter (Kenneth Kainz), j’ai néanmoins dû me replier sur un visionnage au centre de presse car la séance était complète et qu’il n’y avait rien d’autre à voir sur grand écran à ce moment-là. Du coup, je me suis réorientée vers un film qui m’avait tapé dans l’œil en feuilletant le programme : Blood on Méliès’ Moon de Luigi Cozzi. Et ça, comme entrée en matière les amis, ça se pose là !

Luigi Cozzi faisait cette année partie du jury international du BIFFF. Collaborateur régulier de Dario Argento, Cozzi est surtout connu des bissophiles pour son mémorable space-opera bricolée, Starcrash, mais cela faisait longtemps qu’il n’avait plus signé de long métrage, d’où ma curiosité. Alors en avant pour Blood on Méliès’ Moon ! Au départ, comment dire ? Effets spéciaux piteux, comédiens cabotins en diable, raccords pas raccords, prises de son aléatoires, couleurs criardes qui bavent de partout : non mais qu’est-ce que c’est que cette abomination ?!!! Et puis, progressivement l’embarras s’efface devant le généreux plaisir enfantin que prend le réalisateur/acteur à revisiter l’histoire du cinéma, et tout particulièrement du cinéma de genre. Le merveilleux et la drôlerie gagnent du terrain (sauf quand Cozzi perd 20 kilos d’un plan à l’autre, nous faisant craindre pour sa santé) et au final, j’en suis sortie enchantée, d’entrée de jeu, dans d’excellentes dispositions pour la suite du festival.

Toute bienheureuse que j’étais, je suis d’ailleurs restée rivée à mon siège du centre de presse et j’ai enchainé avec un autre film qui avait éveillé ma curiosité par son pitch improbable : Curtain (Jaron Henrie-McCrea) ou les mésaventures d’une jeune femme avec ses rideaux de douche, dans son nouvel appartement. Ils s’évaporent dès qu’elle ferme la porte. Oui hein ? Admettez que vous aussi maintenant vous avez envie d’en savoir plus ! Entre comédie absurde et film d’horreur, le dosage est plutôt heureux, même si les effets spéciaux… Bon mais en même temps, après avoir vu Blood on Méliès’ Moon, sur ce terrain là tout le reste devient acceptable ; bref bonne surprise là aussi.

Ensuite, tout de même, je suis allée poursuivre mon marathon cinévore en salle, car l’un des plaisirs du BIFFF c’est évidemment de partager l’expérience avec les autres spectateurs, si tapageurs et blagueurs. Et d’acclamer les équipes venues présenter leur film au moment où elles se plient à “l’obligatoire“ chanson réclamée à corps et à cri : timides ou pas, tous se lancent avec une belle générosité ; chapeau bas.

Pour en revenir aux films, sans m’attarder sur tous ceux que j’ai vus et diversement appréciés, j’aimerais en mettre un plus particulièrement en avant. The Marriage of Reason and Squalor, premier long métrage des artistes contemporains Jake et Dinos Chapman. L’histoire de la jolie mais un brin schizophrène Chlamydia, sur le point de se marier avec un chirurgien propriétaire d’une petite île qui pue à cause d’un volcan… Mon maître étalon pour cette édition étant, vous l’aurez compris, Blood on Méliès’ Moon, je dirais que comme ce dernier, The Marriage ose tout, avec l’ambition de (se) faire plaisir ; ici aussi l’imagination est reine et les couleurs saturent le cadre, sauf que là ça ne bave pas. Esthétiquement cet étrange chaos organisé est d’une absolue cohérence.

Avant de conclure, un dernier film tout de même : mention spéciale à Veteran (Ryoo Seung-wan), polar coréen ultra efficace (élites politico-financières corrompues contre flics jusqu’au-boutistes), qui dès son ouverture sur fond tonitruant de Blondie et de baston s’est mis le public dans la poche. C’est assez rare de voir les bifffiens raccord de bout en bout avec un film, rire aux seuls passages drôle (très drôles même) et s’abstenir de faire des blagues quand le ton du récit se noircit.

Enfin, “mention spéciale“ : je ne suis pas là pour distribuer des prix, les jurys des différentes sections s’en sont déjà chargés ! Malheureusement, mon séjour relativement bref et mon radar défaillant sur ce coup là m’ont tenu éloignée des films primés. Dont voici la liste :


Compétition internationale

Corbeau d’or : I am a Hero de Shinsuke Sato
Corbeau d’argent ex-aequo : The Phone de Bong-joo Kim et Seoul Station de Yeon Sang-ho
Mention spéciale : The Arti: The Adventure Begins de Huang Wen Chang

Méliès d’Argent (compétition européenne) : Demon de Marcin Wrona

Compétition Thriller : The Photographer de Waldemar Krzystek

Compétition 7ème Parallèle : Traders de Rachael Moriarty et Peter Murphy

Prix du Public : Spy Time Javier Ruiz Caldera


Pour vous faire une idée de l’offre gargantuesque du BIFFF je vous renvoie à leur playlist non exhaustive de bandes annonces.