Cannes 2018 : Sonia Hell, comédienne battante

Cette année, c’est la 21e fois que Sonia Hell se rend sur la Croisette. Coutumière de figurations et de petits rôles au cinéma, elle est une comédienne courageuse qui, malgré les rudesses de sa profession, n’a jamais perdu le feu sacré.

Votre premier Cannes, c’était ?

En 1997. Je suis venue à la sauvage, sans badge, avec un ami, et je me suis débrouillée pour entrer un peu partout. Mais c’était une autre époque. Puis il y a eu le film Les Passagers de Jean-Claude Guiguet, dans lequel j’avais un petit rôle et qui m’a permis de revenir avec une accréditation.

Y a-t-il eu des années marquantes à Cannes pour vous ?

En 1999, j’avais un petit rôle dans Le Conte du ventre plein de Melvin van Peebles, un des premiers films tournés en numérique. J’ai fait plein de rencontres, des agents, des directeurs de casting, on m’a prêté des robes, j’ai fait des shootings photo, c’était stimulant, d’autant que je m’apprêtais à m’installer à Paris et que ça m’a donné confiance. Et il y a eu 2009, j’avais un tout petit rôle dans Un prophète de Jacques Audiard. Je n’oublierai jamais cette rencontre. Le tournage dans cette prison reconstituée était fascinant, avec tous ces figurants qui avaient de vraies tronches. C’est à cette occasion que j’ai rencontré Tahar Rahim, qui est de Belfort, pas très loin de chez moi, en Alsace. J’avais beau avoir un tout petit rôle, Jacques Audiard m’a fait inviter au dîner officiel et à la montée des marches. Ce réalisateur sait vraiment créer un esprit de corps. Quand on est jeune comédien, ça encourage beaucoup et vous donne envie de continuer. Après, j’ai eu des déceptions aussi : dans Bande de filles, ma séquence a été coupée. Mais l’équipe a eu la délicatesse de m’inviter à la soirée du film à Cannes. C’est la vie de comédien…

Sonia Hell

Cannes est-il porteur d’espoir pour vous ?

Oui, on peut parler d’espoir, mais ça me rebooste surtout. La vie à Paris est épuisante, surtout pour moi qui viens de la campagne. Cannes me fait du bien. Je m’amuse, je vois le cinéma sous un autre angle. Je vois des films et je rencontre de jeunes réalisateurs. C’est à Cannes que j’ai rencontré ma deuxième agent. C’est aussi à Cannes que j’ai rencontré le directeur de casting de C’est tout pour moi de Nawell Madani. Il m’a appelée ensuite pour un rôle dans ce film et je suis sûre que c’est parce qu’on s’est croisés à Cannes.

Je me souviens de vous, il y a des années, qui attendiez des réalisateurs à la sortie des hôtels, avec un CV et une photo à la main…

Aujourd’hui, les choses ont changé. Tout se passe par mail. C’est quelque chose que je vis assez mal. Je suis devenue actrice et secrétaire de bureau. Moi, j’aime voir les gens en vrai. À Cannes, c’est ce qui se passe et c’est ce qui me plaît. Je me montre en tenue estivale, telle que je suis, nature et drôle, ça change de ma doudoune à Paris ! Je fonctionne à l’ancienne. Les mails multiples, j’ai dû m’y mettre, mais c’est une souffrance pour moi. Même entre comédiens, on n’échange plus, on ne se refile plus les bons plans. On est tous chez nous, derrière notre ordi et je le déplore.

Aujourd’hui, vous portez votre T-shirt porte bonheur…

C’est mon T-shirt Steve McQueen dans La Canonnière du Yang-Tse, qui est mon film préféré avec lui. Il parlait peu et disait tout avec son regard et son sourire : c’est ça, le cinéma ! Lui est un modèle pour moi qui parle vite et beaucoup. Sur un casting, je me demande toujours comment Steve McQueen aurait abordé le personnage.