Cannes 2016

Synthèse : Sexe


SEXE


Le cinéma se déshabille. Le corps est là à son affaire. Le cul, le sexe aussi. Toujours, immanquablement, subversif et dérangeant. Cannes 2016 a commencé par son choc dans Rester vertical. Vénus est nue et elle baise. Alain Guiraudie y filme le sexe d’India Hair comme un tableau, un double de cinéma du Courbet de L’Origine du monde. Marie, ce personnage si peu virginal et biblique, n’est pas qu’un corps de la beauté féminine : ce corps enfante, voici l’origine de la vie. Ce premier film de la compétition cannoise, la première fois du cinéaste dans cette sélection,  est un conte paysan traversé de symboles et de sexes. Dans Rester vertical, parmi les loups d’un Causse de Lozère – Homi homini lupus­ –,  Damien Bonnard en érection y sodomise un vieil homme pour l’aider à mourir.  Nu féminin, nu masculin, anatomie et sexualité : Alain Guiraudie pose de façon troublante la question du regard. Il n’y a pas de dissimulation, d’artifice,  mais il n’y a pas non plus de provocation, d’exhibitionnisme, d’obscénité, juste une limite repoussée de l’inmontrable. L’accouplement du cinéma et de la pornographie.

Rester vertical de Alain Guiraudie

Deux corps, de la chair, du sang, de la mort : le démentiel Elle fait le récit des jeux vertigineux et de la perversion du sexe. Avec Paul Verhoeven, le sexe est moins explicite que chez Alain Guiraudie ­- aucun pénis en érection, aucun pubis pour scandaliser.  Avec le réalisateur hollandais, un érotisme morbide se met en scène, dans la violence d’un viol subi, puis d’autres consentis et aimés. Isabelle Huppert avec Laurent Lafitte sont les acteurs d’une relation SM orgasmique, douleurs et plaisirs d’une jouissance passant les tabous cul par-dessus tête, jusqu’à un paroxysme dévorant qui se souvient de la tragédie de L’Empire des sens.
Entre amour absolu et désir animal, Park Chan-Wook sublime le sexe saphique de Mademoiselle, labyrinthe passionnel dont la sensualité raffinée se mue en pornographie à la délicatesse extrême quand il filme un cunnilingus d’une exquise élégance. Dans une Corée des années 1930 sous occupation japonaise,  une jeune femme captive d’un oncle lettré qui lui fait lire Sade, dans un théâtre initiatique où s’affolent des messieurs cultivés, s’éprend de sa servante. Des soupirs à l’extase, leur passion obsessionnelle finit par dévorer tout autour. D’une même sophistication, Nicolas Winding Refn glace les désirs froids de la sexualité, dans la lumière cruelle et artificielle de la mode de The Neon Demon. Dehors, le road-movie d’American Honey emporte une jeunesse paumée qui vend des magazines en porte-à-porte dans le Midwest américain. La réalisatrice Andrea Arnold embarque l’amour débutant et immédiatement foudroyant de Shia Labeouf et Sasha Lane. Au bord de la route, leurs corps-à-corps éperdus crament la pellicule.